Haute-Savoie : le cimetière oublié des miliciens fusillés de la Libération

Haute-Savoie : le cimetière oublié des miliciens fusillés de la Libération

Au Grand-Bornand, sur les pentes d’un village de Haute-Savoie, trône le cimetière oublié de 76 miliciens fusillés au moment de la Libération. Cette étrange nécropole tombée dans l’oubli depuis 1944, abrite un récit douloureux.

Par Mérième Stiti

Au Grand-Bornand en Haute-Savoie, le cimetière des miliciens fusillés demeure discret. Pourtant l’alignement des croix blanches, témoigne d’un lourd héritage. Les miliciens qui y reposent, ont été jugés, abattus pour « trahison » et enterrés sur place.

Depuis, ce cimetière de miliciens a été oublié par la famille des défunts et n’a toujours pas d’existence légale.

« Tous ces gars qui ont donné leur vie pour notre liberté, certains à peine sortis de l’adolescence !” confiait Chantal, au Dauphiné Libéré le 30 juin 2012.

Retraitée dans l’Aude, elle visite la Haute-Savoie avec son mari Ben. Au Grand-Bornand, le hasard les a guidés jusqu’au bois de la Pezerettaz, dans le seul cimetière de miliciens du département.

Sur les croix blanches, aucune autre mention que le nom, la date de naissance et l’année de la mort des 44 miliciens. Un silence qui marque la volonté de ne pas raviver la mémoire d’un épisode dramatique de la Libération.

Dans la nuit du 18 au 19 août 1944, alors qu’Annecy est encerclée par les maquisards, les Allemands fuient dans le département voisin de la Savoie.

Après des heures de tractations, une centaine de miliciens se constituent finalement en prisonniers, contre la promesse d’un procès. Ils seront escortés par la Résistance au siège des Forces françaises de l’intérieur (FFI) : le Grand-Bornand.

Créée le 30 janvier 1943 par le régime de Vichy, la Milice française a  pour mission de combattre la Résistance. Durant les combats de la Libération, les miliciens sont ainsi les cibles privilégiées des épurations pratiquées par la FFI.

Au cours de l’Occupation, on estime à 2 160 morts en Haute-Savoie, dont la moitié est imputable à la seule milice.

« Les miliciens ont semé tellement de haine derrière eux. Je peux vous dire que l’épuration était réclamée à cor et à cri » réagit l’historien Michel Germain.

Au Grand-Bornand, pour les miliciens savoyards, le procès est expéditif et les cercueils sont commandés avant même la fin du jugement.

« Ils ont été emmené en camions jusqu’au Grand-Bornand, protégés de la foule très vindicative. Ils vont y rester quatre jours et sont interrogés dans la salle des fêtes » relate Michel Germain.

Une cour martiale est créée pour l’occasion, sous la houlette de Jean Comet, magistrat révoqué par Pétain. Les peines sont fixées selon des règles et une hiérarchie édictées par le gouvernement provisoire à Alger.

Sur les 97 miliciens, 76 sont condamnés à mort. Les miliciens sont fusillés par groupes de cinq… les chefs Barbaroux, Voisin, Montmasson et Chambaz en premier.

Digne sur le peloton d’exécution, Chambaz retire sa montre et son alliance pour confier la mission au greffier du tribunal de les amener à sa femme.

« Quelques croix parsemées sur un coin de prairie »

Au départ provisoire, le cimetière devient définitif. Progressivement, il tombe dans l’oubli. Pourtant, dans les années 1950, différents préfets tentent d’écrire aux familles pour venir récupérer les cercueils. Mais peu le font.

Dans son livre La Vérité vraie sur le procès de la Milice et des miliciens au Grand-Bornand, Michel Germain explore les biais de l’occultation de ce lieux : « depuis ce procès emblématique, des forces obscures oeuvrent à ressusciter les fantômes de Vichy, de la Collaboration. Comme un travail de mémoire mené à l’envers ? »

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