Diego Chauvet – « L’Humanité » du 28 mai
Le président de la République avait tenté de récupérer la référence historique en la vidant de son sens. La Journée nationale de la Résistance, hier, a été l’occasion de rappeler l’ambition et la résonance du programme du CNR avec les nouveaux défis politiques posés par la crise sanitaire.
« Nous retrouverons les jours heureux. » Lors de son discours du 13 avril sur la crise sanitaire, le président de la République prononçait cette phrase remarquée. Depuis, elle a été largement commentée. La référence historique a de quoi faire grincer des dents : « les Jours heureux » est le titre du programme du Conseil national de la Résistance (voir ci-contre), qui a profondément restructuré et reconstruit la France d’après-guerre. Depuis le début de la crise sanitaire, Emmanuel Macron a endossé à plusieurs reprises le costume de chef d’un État en guerre, s’affichant dans les pas du général de Gaulle en se rendant à Montcornet le 17 mai dernier.
Loin de la communication présidentielle, la Journée nationale de la Résistance, hier, a permis de rappeler l’ambition politique. C’est en effet le 27 mai 1943 que fut fondé le Conseil national de la Résistance, en pleine guerre, par 8 mouvements : 6 partis politiques et 2 centrales syndicales. À ce moment-là, les fondateurs du CNR se projetaient déjà dans l’après-guerre et rédigeaient le programme des « Jours heureux ».
Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, dont le parti fut l’un des piliers du CNR, a donc rendu hier un hommage à ce programme élaboré par la Résistance française. « Ils sont gaullistes, militaires et hommes blessés de voir la nation abaissée, vendue aux ambitions d’idéologues lointains, rappelait-il au sujet de ces résistants. Ils sont hommes de foi, chrétiens, musulmans, juifs, qui ne pouvaient supporter le traitement infligé à des êtres humains. Ils sont communistes, antifascistes résolus, qui avaient refusé le putsch de Franco ou la capitulation de Munich, déterminés à défendre la classe ouvrière et le bonheur commun. » Fabien Roussel a également insisté sur « l’ambition portée par les membres du Conseil national de la Résistance ». « Imaginer la France dans laquelle ils rêvaient de vivre, dans l’affirmation d’une République généreuse et solidaire. » Ce programme avait permis de mettre en œuvre des avancées majeures : le droit de vote des femmes, la création de la Sécurité sociale et du système de retraite par répartition, les nationalisations des houillères, de Renault, des banques de dépôts, de la Banque de France, de l’électricité et du rail. « Un tel programme, mis en place au sortir d’une déflagration aussi traumatisante, fait écho à notre propre défi, à l’heure où notre pays, mis brutalement à l’arrêt par la pandémie, affronte une crise d’une ampleur inédite », a rappelé Fabien Roussel.
Le 13 mai dernier, l’appel à un « Conseil national de la nouvelle résistance »
Malgré sa posture dans la gestion de la crise sanitaire, le pouvoir s’est refusé de prendre des mesures qui tombaient sous le coup du bon sens si l’on prenait la peine de relire « les Jours heureux » : aucune nationalisation, aucune réquisition d’entreprises nécessaires à la fabrication du matériel de protection et de soins face à l’épidémie, refus du gouvernement d’interdire les licenciements au moins pendant le temps de l’état d’urgence sanitaire… L’exécutif se contente jusqu’ici de verser de conséquentes aides financières à des entreprises comme Renault, qui s’apprête à supprimer des milliers d’emplois pour préserver ses bénéfices. Quant à la politique de « reconstruction », conforme à cette philosophie néolibérale, elle ressemblera à un nouveau cauchemar, à la suite de la pandémie, qui sera économique et social : des destructions d’emplois par dizaines de milliers, des politiques d’austérité destinées à faire payer la facture de la crise par le monde du travail et sauver les marchés financiers.
Face à ces perspectives, le 13 mai, des personnalités avaient annoncé la création d’un « Conseil national de la nouvelle résistance », à l’initiative notamment des cinéastes Gérard Mordillat et Gilles Perret. Ils souhaitent ainsi « offrir un point de ralliement à toutes celles et ceux, et ils sont nombreux aujourd’hui, individus, collectifs, mouvements, partis et syndicats, qui pensent que les jours heureux ne sont pas qu’une formule vide de sens mais le véritable horizon d’un programme politique ». « Le choix que nous appelons de nos vœux, ce n’est pas celui de la sueur et des larmes. C’est au contraire celui d’une France unie et déterminée à éradiquer la pauvreté, le chômage, à relever le défi du climat », a souligné de son côté Fabien Roussel.
Diego Chauvet