Deux figures de la Résistance et originaires de Belfort

Deux figures de la Résistance et originaires de Belfort

Le destin des frères Jacques et Jean-Pierre Grumbach, figures de la Résistance et originaires de Belfort
Qui sait ce que le chef-d’œuvre cinématographique sur la Résistance, « L’Armée des ombres » (1969), doit au destin de deux frères d’origine belfortaine : Jacques et Jean-Pierre Grumbach ?

Par Philippe PIOT – Hier à 17:00 – Temps de lecture : 3 min

On trouve pour la première fois trace d’Abraham Grumbach en 1810, faubourg de France à Belfort , où il a installé sa boucherie. Son fils, Jacques, un costaud, prend la suite et s’implante rue du Manège, là où se dresse aujourd’hui le commissariat de police.

Le boucher est le grand-père de deux garçons. Jacques, l’aîné, né le 19 avril 1902, qui porte son prénom ; et Jean-Pierre, né en 1917, qui passera à la postérité comme réalisateur de cinéma sous le nom de Jean-Pierre Melville. C’est à Belfort que Jean-Pierre a découvert le cinéma, dans une brasserie nommée « La Grande Taverne ». À 6 ans, ses parents lui offrent une caméra et il filme sa famille, dont Jacques. C’est ce dernier qui nous intéresse aujourd’hui.
Un proche de Léon Blum
Jacques Grumbach a 23 ans lorsqu’il adhère à la SFIO et devient un proche de Léon Blum. Après avoir été journaliste, il se lance dans la politique. Lorsque la guerre éclate, il est conseiller municipal de Romilly-sur-Seine (Aube) et conseiller général du canton. Juif, résistant, Jacques Grumbach est chargé de gagner Londres pour y remettre une somme d’argent. En novembre 1942, il est à Ussat-lès-Bains, dans les Pyrénées, pour franchir la montagne afin de rejoindre l’Afrique du Nord. Il rejoint un petit groupe dans lequel se trouve un autre Belfortain, né la même année que lui : Pierre Dreyfus-Schmidt. Dreyfus-Schmidt, après une résistance héroïque avec le 171e régiment d’Infanterie en Alsace, a été interné à Belfort puis a été révoqué de son mandat de maire de la ville en 1941 par le gouvernement de Vichy. Ayant réussi à s’évader, il veut se battre et rejoindre l’Afrique du Nord où les Alliés viennent de débarquer.

Disparu dans les montagnes
Le 24 novembre, ils se mettent en route vers Andorre, guidés par un passeur espagnol, Lazare Cabrero. Lors d’une pause, le groupe se rend compte que Jacques Grumbach n’est pas là. Les chemins enneigés sont glissants. Leur guide profite de la nuit pour chercher le Français manquant. Il y retourne le lendemain matin mais revient en disant qu’il ne l’a pas trouvé. Le groupe reprend la route, la mort dans l’âme. Pierre Dreyfus-Schmidt finira par atteindre le Maroc où il prendra un commandement au sein de la Légion étrangère, avec le grade de capitaine. Il reviendra à Belfort en libérateur le 21 novembre 1944 et retrouvera son siège de maire en 1945. Mais, nulle trace de Jacques Grumbach, dont personne n’a eu de nouvelles.
Son tueur acquitté
Ses restes sont retrouvés le 27 septembre 1950, à 2 400 m d’altitude, dans un ravin situé sous le pic du Pas-des-Aigles. Son crâne porte la trace de l’entrée d’une balle. Jacques Grumbach a été tué d’un coup de revolver par le passeur, qui l’avait retrouvé le matin. Il lui a volé son argent et sa montre et a jeté son corps.

Lazare Cabrero est arrêté et jugé par la cour d’assises de Foix en 1953. L’accusé explique que Jacques Grumbach s’était cassé la cheville et qu’il était intransportable. Il déclare avoir suivi les ordres de son réseau, et l’avoir éliminé plutôt que l’abandonner en montagne et compromettre, s’il avait été trouvé par l’ennemi, la sécurité des autres. Lazare Cabrero est acquitté.

« Cette décision avait laissé un goût amer à mon grand-père », se souvient Alain Dreyfus-Schmidt. « Cabrero l’avait dépouillé et avait offert à un de ses cousins, pour son mariage, la montre de Jacques, ce qui renseigne sur la moralité du personnage ».

LIRE LA SUITE

Comments are closed.