Montluc à Lyon, les mémoires d’une prison

Montluc à Lyon, les mémoires d’une prison

Le bref séjour de Klaus Barbie, en 1983, dans le lieu où il avait  enfermé Jean Moulin fut un moment d’exception dans l’ultime période de Montluc. La prison avait fini par acquérir une réputation de calme et elle était promise à une fermeture proche. Celle-ci intervint pour l’aile des hommes en 1997 et pour le secteur des femmes en 2009.

S’est posée alors la question du destin du site

France Domaine aurait voulu le valoriser – entendez : le vendre. L’université Lyon III, qui a fini par s’appeler Jean Moulin, l’utiliser pour ses étudiants. Le préfet de l’époque préféra tendre l’oreille à l’association des rescapés qui rappelait ce qui s’était passé ici en 1943-1944. La prison était sous le contrôle des Allemands; plus de 9000 personnes y furent enfermées; deux seulement purent s’en évader- ce sont les personnages  du film de Bresson, « Un condamné à mort »; les autres, à commencer par les juifs, n’avaient pas d’autre perspective que l’exécution ou la déportation.

Intervint finalement le classement de Montluc et, dès 2010,  le début de son ouverture au public. Mais la sédimentation des histoires en cet endroit est telle qu’il est impossible de polariser exclusivement l’attention sur la seule période 43-44. Depuis l’ouverture en 1921, ont séjourné ici, outre les victimes de la Section spéciale de Vichy et des nazis, des collaborateurs entre 1945 et 1954, des détenus de droit commun, hommes et femmes, et aussi des insoumis envoyés par les tribunaux militaires, et enfin 75 condamnés à mort algériens entre 1958  et 1971 dont onze furent exécutés. On a même vu arriver une équipe de télévision chinoise qui venait enquêter sur le passage,  dès 1921 de Zhou en Laï  qui faisait partie des étudiants-ouvriers chinois amenés en France pour les besoins de la Première Guerre et devenus récalcitrants.

Il n’y a guère en France, parmi les lieux pénitentiaires, que l’abbaye-prison de Clairvaux qui nécessite une telle variété de points de vue pour être visitée et un peu comprise.

Dans le film de Bresson, le personnage principal voit surgir dans sa cellule un petit bonhomme informe qui a mené jusque-là une vie aveugle. « Est-ce que je savais ? », lui dit le petit bonhomme. Le personnage principal répond : « Il fallait savoir ». C’est l’intention de l’exposition « Traces » ouverte actuellement au Mémorial Prison de Montluc : « Il faut savoir ».

 

 

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