CNRD 2020 : Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne
Entre mai et juillet 1940, la France doit faire face à un effondrement sans précédent. En deux mois, elle connaît la plus importante défaite de son histoire, l’occupation ou l’annexion d’une partie de son territoire par le vainqueur, la disparition de la République et son remplacement par un État français autoritaire et collaborateur.
Dans ce bouleversement absolu, des individus conservent l’espoir et veulent résister au cours des événements. Certains tentent d’éviter la défaite, d’autres – souvent les mêmes – essaient de préserver la possibilité d’une revanche. Peu nombreux, démunis de tout ou presque, peu ou pas organisés, ils sont résolus à faire quelque chose et à trouver les moyens d’y parvenir.
La première étape est de comprendre ce qu’il s’est passé. Chacun, avec son niveau de connaissance, cherche une explication dans la situation de la France, de l’Europe ou du monde. Le milieu familial ou professionnel, les engagements politiques, syndicaux ou confessionnels, l’attachement à des valeurs ou le sentiment patriotique donnent des clés de lecture des événements et déterminent leur interprétation. Des individus d’origines très différentes et aux itinéraires personnels très contrastés peuvent se retrouver dans la même dénonciation de l’occupation et de la collaboration.
La compréhension, réfléchie ou intuitive, des événements conduit à une deuxième étape, à des actes de refus, plus ou moins spontanés. On refuse de se soumettre à l’occupant, on retourne ses panneaux de signalisation, on coupe ses câbles téléphoniques, on déchire ses affiches, sans mesurer les risques que l’on prend, alors que les sanctions peuvent être lourdes. On conteste également la légitimité de l’État français, on critique sa politique, on s’efforce de demeurer insensible à sa propagande. Quand on le peut encore, on quitte la France pour rejoindre ceux qui veulent continuer le combat depuis l’étranger. Progressivement, on découvre que l’on n’est pas tout seul à vouloir agir et qu’il est plus efficace et plus rassurant de le faire à plusieurs.
La dernière étape qui mène à la résistance est la plus délicate. Elle suppose de franchir définitivement le pas, de rompre partiellement ou totalement avec sa vie d’avant, de se reconnaître comme un rebelle et de se faire reconnaître comme tel. Ceux qui rallient la France libre veulent obtenir la victoire par la force des armes, aux côtés des armées alliées. Ceux qui restent en France improvisent des moyens d’action (fabrication et diffusion d’imprimés, manifestation, entraide, sauvetage) et des modes d’organisation (regroupements de circonstance, filières, réseaux, mouvements), d’abord modestes, puis de plus en plus élaborés au fur et à mesure de la montée en puissance de la résistance et pour contrer une répression qui porte des coups très durs. Les liens entre ceux qui luttent à l’extérieur et à l’intérieur restent encore limités.
S’interroger sur l’entrée en résistance en 1940, c’est suivre le parcours d’hommes et de femmes pris dans des événements qui les dépassent mais sur lesquels ils veulent malgré tout avoir prise, c’est partager leur volonté de ne pas renoncer et de ne pas céder à l’adversité quand la défaite est présentée comme définitive, c’est prendre conscience du courage nécessaire pour s’engager dans une voie forcément risquée et à l’issue incertaine. C’est aussi comprendre les difficultés de l’engagement, les interrogations, les hésitations ou les inquiétudes de celles et de ceux qui franchiront le pas ultérieurement, faute d’avoir osé ou pu le faire plus tôt. C’est enfin rendre hommage à ces pionniers, du général dissident au paysan insoumis, en passant par la militante antifasciste ou le patriote nationaliste, qui payèrent souvent de leur vie le fait d’avoir défendu plus tôt que leurs compagnons de lutte et d’espérance la liberté et l’honneur de la France.
Eric Brossard
Professeur relais au MRN