La persécution française des nomades entre 1939 et 1946

La persécution française des nomades entre 1939 et 1946

Dans Les nomades face à la guerre, Lise Foisneau met à jour la violence de la politique de l’État contre les nomades via leur assignation à résidence. Une réalité effroyable jusqu’à présent méconnue.

Peu d’historiens ont étudié le sort des nomades, en France, durant la Seconde Guerre mondiale. Et les travaux menés depuis les années 1980 se sont focalisés sur un aspect de la répression : leur internement dans des camps. Éthnologue chargée de recherche au CNRS, Lise Foisneau élargit la focale : elle s’intéresse aux mesures de surveillance et de contrôle prises par l’État avant même le vote des pleins pouvoirs à Pétain, jusqu’à la situation d’après-guerre ; et surtout elle s’attache à la résistance des nomades face à l’inflation bureaucratique et répressive.

Depuis la loi du 16 juillet 1912 existaient en France des statuts différents pour trois catégories d’individus exerçant des professions ambulantes : les marchands ambulants, les forains et les nomades. Entre autres contraintes bureaucratiques, les nomades devaient posséder un carnet anthropométrique individuel et faire systématiquement viser leurs arrivées et départs dans les communes. Ainsi, la discrimination des nomades n’est pas un phénomène nouveau lorsque la guerre commence.

Cependant, le 6 avril 1940, un décret vient bouleverser le mode de vie des nomades en interdisant leur circulation et en les assignant à résidence. L’État prétexte que leurs déplacements incessants leur permettraient de recueillir de nombreux et importants renseignements – « pour la Défense nationale un danger très sérieux » ! Quand elles ne sont pas internées dans des camps, les familles se trouvent ainsi rattachées au territoire d’une commune ou d’un canton, sous la surveillance de la brigade de gendarmerie locale, soumises au couvre-feu, dans l’impossibilité de pratiquer leurs métiers ambulants. Il s’ensuit des conditions sociales et sanitaires dramatiques.

Pour Lise Foisneau, on est là au cœur d’un processus de « déshumanisation », puisque l’État contraint, sous peine de lourdes sanctions, une population à renoncer à sa manière d’être au monde. De plus, mettant en œuvre en réalité une politique raciste (sous couvert des indices que seraient les modes de vie, le manque de « morale » ou encore des « caractéristiques ethniques » particulières), il n’a prévu aucun moyen. Les nomades développent seuls des stratégies de survie, dans le climat difficile de l’Occupation allemande. Aiguillonnées par la politique pétainiste, les populations voisines des lieux d’assignation sont souvent hostiles… et parfois solidaires.

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