La fin de la guerre.

 Les opérations, les répressions, les déportations et la fin du IIIème Reich (1944-1945)

La réflexion que propose le thème du CNRD pour 2021-2022 porte sur les relations entre trois réalités historiques séparables mais non séparées : les opérations militaires alliées, leurs objectifs, leur déroulement et leurs résultats ; les répressions et les déportations jusqu’aux limites les plus extrêmes ; la fin du régime nazi, dans le contexte de la période la plus meurtrière de la Seconde guerre mondiale, de 1944 à 1945.

Un des points centraux de cette problématique réside dans les conséquences que les opérations militaires comportent en termes de recrudescence de la brutalisation et de la répression par les nazis, notamment sur les civils et les résistants. En revanche, elles ne changent rien à leur pratique exterminatoire contre les Juifs, ce qui montre par défaut la centralité de celle-ci dans la politique nazie. Pour les nazis et depuis les origines du conflit mais avec une intensification croissante, le conflit est idéologique et racial. Ils continuent de mener la guerre contre les Juifs jusqu’au bout. Vers l’effondrement militaire et le déchainement répressif, les deux dernières années de la guerre sont meurtrières : radicalisation de la violence guerrière, politique de terreur d’Est en Ouest, représailles partout, alors qu’Auschwitz devient l’épicentre du système concentrationnaire nazi.

Cette réflexion s’inscrit dans le cadre et dans la ligne des programmes du collège et des lycées, qui mettent l’accent sur l’importance des faits militaires et de leurs interactions avec les différentes formes de répression et les déportations pratiquées par l’Allemagne nazie et ses vassaux, mais aussi par l’URSS, durant la Seconde guerre mondiale[1]. Fidèle à la réforme du CNRD, elle rejoint les thèmes des quatre dernières années : adossée aux programmes, ouverte aux apports de la recherche, avec des vues larges sur la France et sur l’Europe.

 

1. Une chronologie des années 1944-1945

Le thème débute en janvier 1944, ce qui permet d’inclure non seulement les convois de déportation à partir de la France, mais aussi l’ensemble de ce qui précède la déportation des Hongrois. La période qui va de janvier à juin 1944 est comme une veillée d’armes au cours de laquelle s’intensifie la répression dans les territoires occupés, pour assurer les arrières de l’armée allemande, en attaquant et en éliminant les maquis (Ain, Glières, Limousin) ou contre les partisans biélorusses sur le front de l’Est. En février 1944, le commandement militaire allemand pour l’Ouest promulgue un texte réglementaire (décret Sperrle) qui transforme les politiques répressives – ce qui concerne notamment la France, qui passe de « territoire ami » à « hostile » et doit donc être traité comme tel.  Ces opérations ont aussi un point commun : elles s’accompagnent de rafles contre les civils, au premier rang desquels les Juifs.

Juin 1944, après le tournant de la défaite des armées allemandes à Stalingrad, en février 1943, fournit une césure possible pour marquer le commencement de la fin du conflit, avec le débarquement à l’Ouest, la libération de Rome et l’offensive Bagration quinze jours plus tard, colossale opération qui balaye quasiment tout le front de l’Est et marque le début de la marche à la victoire du côté soviétique[2]. Dans ce début de la phase finale de la guerre, à l’Est comme à l’Ouest, les conséquences des opérations militaires sur les répressions et les déportations sont manifestes. La répression qui s’abat sur les populations est d’autant plus violente que se joue le sort final de la guerre (Oradour, Tulle, le Vercors, Varsovie et les déportations partout).

Alors que sont engagés des combats décisifs, les Allemands mettent en œuvre une véritable stratégie de terreur dans les territoires qui restent sous leur contrôle. La fin de l’été 1944 et l’automne qui suit marquent une troisième césure, avec une retraite généralisée de la Wehrmacht et l’échec de rares contre-offensives[3] qui se traduisent par des violences et des exactions croissantes dans les territoires concernés. La peur devient le quotidien des peuples.

La mention de « la fin du IIIème Reich » dans l’intitulé permet de circonscrire le sujet au continent européen et met l’accent dans un même mouvement historique sur le moment le plus intense, l’échec et les conséquences de la « guerre d’anéantissement » lancée à l’Est par Adolf Hitler le 22 juin 1941, avec l’opération Barbarossa[4] et qui ne prend fin qu’avec la chute de Hitler et la capitulation de l’Allemagne, le 8 mai 1945[5]. Sur le front de l’Ouest, à partir de la fin du mois de juillet 1944, les Alliés piétinent – Paris n’est libérée qu’au mois d’août. La guerre n’est pas terminée à Noël et des régions entières demeurent sous l’occupation, c’est-à-dire sous la répression, allemandes[6].

Ce n’est qu’avec la campagne du Rhin à l’Ouest[7] et le franchissement de la Vistule à l’Est que les Alliés parviennent, au terme de longs et très durs combats de janvier à mai 1945, à progresser à l’intérieur du Reich et à détruire la Wehrmacht qui se bat encore en Italie ou dans les Balkans, y compris contre les résistants. Les conséquences pour les territoires occupés par l’Allemagne ou soumis à leurs vassaux sont terribles.



[1] Programmes d’histoire de terminale des séries générale et technologique BO spécial n° 8 du 25 juillet 2019

[2] Jean Lopez Opération Bagration : La revanche de Staline (1944) Paris, Economica 2014

[3] Anthony Beevor Ardennes 1944. Le va-tout d’Hitler Paris, Le livre de poche2017

[4] Jean Lopez, Lasha Otkhmezuri, Barbarossa. 1941, la guerre absolue Paris, Passé composé 2019

[5] Philippe Richardot  Hitler face à Staline. Le front de l’Est 1941-1945 Paris, Belin 2013

[6] Nicolas Aubin La course au Rhin (25 juillet-15 décembre 1944). Pourquoi la guerre ne s’est pas finie à Noël Paris, Economica 2018

[7] Daniel Feldmann et Cédric Mas La campagne du Rhin. Les Alliés rentrent en Allemagne (janvier-mai 1945) Paris, Economica 2016

 

Tristan Lecoq
Inspecteur général de l’Éducation nationale
Professeur des Universités associé à l’Université Paris Sorbonne
Président du jury national des correcteurs du Concours national de la Résistance et de la déportation (CNRD)

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