Le Résistant Georges Kieffer, dernier déporté de Dinan, s’est éteint
igure de la Résistance, Georges Kieffer était le dernier déporté de Dinan encore en vie. Il s’est éteint à l’âge de 100 ans, dans la nuit de samedi à dimanche. Sa traversée de la guerre est digne d’un roman.
Résistant capturé par la Gestapo, déporté à Dachau, évadé… Le Dinannais Georges Kieffer ne cessait de rappeler les dangers du retour du nationalisme. Il s’est éteint dans la nuit de samedi 13 au dimanche 14 mars 2021, à l’âge de 100 ans. (DIN – B141A)
Résistant, déporté à Dachau à la veille de la Libération, avant de s’évader et de retrouver Laure, son agent de liaison dans la Résistance, avec qui il se mariera… Georges Kieffer s’est éteint dans son sommeil dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 mars, à son domicile de Dinan. Il avait fêté ses 100 ans en août dernier. C’était le dernier déporté dinannais encore en vie.
De Strasbourg à Moscou jusqu’à la Bretagne
Né en 1920 à Strasbourg (67), Georges Kieffer est engagé volontaire dans l’armée française, avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Au cours du conflit, il sera blessé à la tête, lors d’une attaque d’avions allemands. La signature de l’armistice, le 22 juin 1940, résonne de façon particulière pour le jeune Alsacien de 20 ans. « L’Alsace a été annexée, je suis devenu sujet allemand ! », racontait-il au Télégramme en 2016. Refusant d’intégrer l’armée nazie, le voilà envoyé de force à l’entretien des routes allemandes. Il ira même travailler en Russie, refaire des routes près de Moscou, dans le cadre de l’opération Barbarossa.
Il faut que la jeunesse sache ce qu’il s’est passé
Le Reich l’envoie alors à Saint-Malo pour aider à la construction des fortifications du Mur de l’Atlantique. Fonction stratégique, qui va rapidement attirer l’attention d’un réseau de Résistance local. « On allait souvent dans un café à Dinard, Chez Victor. C’est là que les premiers contacts ont eu lieu avec la Résistance. Je n’ai su qu’après qu’il s’agissait du réseau anglais Buckmaster. Je suis devenu agent de renseignement », racontait celui qui fournissait les plans des blockhaus et sabotait les chantiers. Dans la Résistance, Georges rencontre sa future femme, Laure Back, son agent de liaison.
« Déserteur terroriste »
En novembre 1943, le Reich lui ordonne à nouveau de rejoindre l’armée nazie. Georges Kieffer refuse, tente de fuir, mais est arrêté par la Gestapo. Emprisonné à Saint-Malo, puis Rennes, le « déserteur terroriste » est condamné à mort, le 6 juin 1944, et déporté le 3 août en wagons à bestiaux, alors que les Américains libéreront Rennes le lendemain.
Après un éprouvant voyage de quinze jours jusqu’à Belfort, il passe dans plusieurs prisons allemandes et finit dans une forteresse du camp de concentration de Dachau (Pologne). Il y sera torturé. Un bombardement allié lui permettra de s’évader, le 30 mars 1945. Il se réfugie dans une ferme, où un paysan allemand anti-nazi et son prisonnier de guerre français l’aident.
Georges Kieffer lisant un discours lors de la cérémonie du Souvenir de la déportation, en 2015, à Dinan. (B141A)
Quand il revient en Bretagne, Georges Kieffer a 25 ans et ne pèse que 39 kg. Laure le rejoint bientôt et l’épouse en 1948. Après une carrière à la BNP, à Dinan, Georges continue à faire vivre la mémoire de la guerre et de la Déportation dès que possible, se rendant une dizaine de fois au lycée de La Fontaine-des-Eaux, puis recevant des élèves chez lui à l’occasion avec l’appui de son ami professeur, Gilles Bourrien. « Il faut que la jeunesse sache ce qu’il s’est passé », insistait-il, un œil inquiet sur le retour du nationalisme.
Commandeur de la Légion d’honneur, médaille grand or de l’UNC et médaillé de la Ville de Dinan, Georges Kieffer va retrouver son épouse, Laure, décédée en 2018 à l’âge de 103 ans. Dimanche, à l’heure où nous écrivions ces lignes, la date de ses obsèques n’était pas encore fixée.