Hommage à Félicien Joly

Hommage à Félicien Joly

Robert Clément
Hier, à 08:41  ·
28 février 1919. Naissance de Félicien Joly, jeune communiste entré dans la résistance dès le début de la guerre et fusillé à moins de 22 ans, le 15 novembre 1941 » !
Félicien Joly était un jeune communiste, entré dans la, résistance dès le début de la guerre. Il était âgé de moins de 22 ans lorsqu’il fut condamné à mort. Il aurait pu seulement regarder les allemands piller son pays, qu’il ferme les yeux devant leurs horreurs commises, leurs crimes mais il n’a pas voulu. La lettre publiée ci-dessous est sa dernière, écrite le 15 novembre 1941 à la citadelle de Lille, juste avant sa mort.
Loos-Lille, le 15 Novembre 1941
« A tous ceux qui me sont chers,
A mes parents, à mes sœurs, à Célesta,
Cette lettre est la dernière que je vous écris. Elle vous parviendra après ma mort et elle va éveiller en vous de douloureux souvenirs. J’ai de la peine à vous écrire. Je suis resté avec mes camarades jusqu’au bout. J’aurais pu fuir à Anzin où j’étais seul dans le bureau avec une bicyclette à la porte, j’aurais pu fuir à Loos pendant la visite, je ne l’ai pas fait. J’aurais pu sauver ma vie en accusant mes camarades ou mon ami, je ne l’ai pas fait. Je ne suis pas une lâche. J’ai accepté la peine infligée et je vais mourir. Papa et maman ne me pleurez pas. Soyez fiers de moi, au contraire.
Mes sœurs ne m’oubliez pas. Célesta, j’ai vu un prêtre, non pour recevoir un baptême mais pour qu’il répète de vive voix ce que je t’ai écrit. Il faut que tu vives et que tu sois heureuse. Je le veux…Je voulais que toute l’humanité soit heureuse et que tu le sois aussi. Notre beau rêve va s’achever… Je ne voulais pas regarder le passé. Ne le regarde pas. Vois l’avenir en face, radieux, sûr. Tu seras heureuse et je serai l’artisan de ton bonheur. Ne pleure pas car je ne pleure pas au moment où j’écris ces lignes malgré que je retienne mes larmes. Je meurs jeune, très jeune, il y a quelque chose qui ne meurt pas, c’est mon rêve. Jamais comme à ce moment il ne m’est apparu plus lucide, plus somptueux, plus près de nous enfin. Il y a quelques années j’ai eu en moi ce sentiment que je ne verrai pas mais qui se réalisera très vite après ma mort. L’heure de mon sacrifice est venue, l’heure de sa réalisation approche. Il m’est dur maintenant de continuer ma lettre, ma main ne tremble pas mais mon cœur est lourd. Je sais trop la peine que je vous fais. Je crains pour la vie de maman, grand-mère, de Dorothée. Soyez bien fiers comme je le suis, comme je le serai dans quelques heures lorsque les balles me frapperont. Il n’y a point de haine dans mon cœur. J’ai vu des larmes dans les yeux des soldats allemands qui nous gardent. Je sais aujourd’hui qu’ils haïssent la guerre. Je sais que nous pouvons compter sur l’Allemagne. Salut aux nobles fils de la noble Allemagne. Salut aux filles de Goethe, aux frères des Werther. Salut aux ouvriers des villes et des campagnes. Ces vers sont sténographiés sur l’un de mes bouquins. Gardez-les en souvenir de moi. ( … ) Tu sais, j’aurai voulu te voir toujours souriante, il faut que tu le sois même au moment où tu lis ces lignes qui sont comme un fer rouge dans ton cœur. Souris quand-même dans la peine. Je vais rire de la mort car je ne vais pas mourir, on ne peut pas me tuer, on va me faire vivre éternellement. Sois fière d’avoir été ma fiancée de quelques jours. Continue d’aller chez moi, remplace-moi auprès de ma mère et écoute les conseils que pourrait te donner mon père. Ils sont judicieux, suis-les. Quand de nouveau la vie reprendra en toi, quand son rythme aura dépassé le rythme de mon souvenir, songe une dernière fois à moi et tourne toi délibérément vers l’avenir, soit heureuse dans les bras d’un autre et ne pleure pas de notre souvenir du 16 septembre.
Ma lettre se termine, l’heure tourne, même plus trois heures me séparent de la mort. Ma vie va s’achever. Le soleil de novembre brille clair dans le ciel de Flandre. Bientôt le rude hiver viendra. Bientôt aussi un bonheur auquel j’aspirais. ( … ) Essayez d’avoir mes deux carnets de notes. Sur la couverture de 1941, une phrase de Nietzsche, « toujours plus haut je veux monter ». Je la laisse à tous les jeunes épris d’idéalisme. A tous je laisse mon souvenir vivace, mon nom va sonner après ma mort non comme un glas mais comme une envolée d’espoir ».
Le collège d’Escaudain porte son nom

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