LA RÉSISTANCE COMMUNISTE DÈS 1940
Par Louis Poulhès Ancien élève de l’ENA, agrégé et docteur en histoire
Revendiquer l’héritage gaulliste pour se rendre droito-compatible pourrait prêter à rire, tant son absurdité est d’évidence, alors que xénophobie et racisme sont à la base du projet d’une telle formation, dont l’origine est à placer du côté de la collaboration avec les nazis, aux antipodes mêmes du gaullisme. Rien ne doit cependant étonner de sa part, tant le mensonge historique est constitutif de ce Rassemblement (ex-Front) National.
Vieille antienne, les communistes français n’auraient été résistants qu’à partir de l’invasion de l’URSS en juin 1941. Telle n’est pas l’opinion des Allemands, dès l’été 1940.
Otto Abetz plénipotentiaire de Hitler en France s’exprime dès le 7 juillet 1940 sur « le danger communiste » et considère le 30 juillet 1940 la lutte contre les communistes comme de « la plus haute importance ». A un niveau moindre, l’officier de renseignement des troupes d’occupation signale dans son rapport de situation à Paris du 1er au 10 aout 1940 qu’« une activité politique digne d’être retenue n’est développée nulle part en zone occupée, si on fait abstraction du communisme de plus en plus notable ». Au plus haut niveau des hiérarques nazis, le 14 septembre 1940 Reinhard Heydrich chef de l’Office central de sécurité du Reich (RSHA) considère le PCF comme l’unique organisation en France « en position d’organiser le peuple qui cherche une issue politique » et il estime que « le danger d’un tel développement pour les objectifs politiques du Reich et l’organisation postérieure de l’Europe est d’une telle importance que la moindre esquisse doit être étouffée dans l’œuf avec la plus grande sévérité ». Le Commandement militaire allemand en France (MBF) considère dans son rapport de situation de septembre 1940 que « la propagande communiste est aussi dirigée contre l’armée d’occupation » et qu’elle préconise « la libération du peuple français ». Boemelburg chef de la section IV (Gestapo) de la police de sûreté allemande à Paris, indique le 8 octobre 1940 : « Quoique interdit, le parti communiste est le seul des anciens partis politiques qui déploie encore une forte activité consciente de son but et ait réellement les masses derrière lui. C’est pourquoi la question communiste est sans aucun doute la plus importante des questions politiques, tant pour les autorités françaises que pour les autorités allemandes. L’observation du développement du communisme en France est une mission d’une nécessité absolue. » Le rapport de synthèse de la Sipo-SD (qui inclut la Gestapo) du 30 janvier 1941 observe qu’« on peut observer dans la majorité des publications communistes un ton uniformément et violemment hostile à l’Allemagne ». A la mi-février 1941, Boemelburg qui reçoit le responsable des Renseignements généraux de Vichy, insiste sur « le danger permanent et effroyable que représentait le communisme, non seulement à l’égard de la France, non seulement à l’égard de l’Allemagne, mais encore à l’égard de tous les pays d’Europe ». Pour lutter contre « ce fléau d’ordre politique », il préconise la mise en place d’une police spécifique. Le rapport de la Sipo-SD du 24 mars 1941 signale que L’Humanité « engage le fer contre l’Allemagne de façon très haineuse et démagogique ». Celui du 15 avril 1941 évoque « la tendance antiallemande marquée de presque tous les tracts communistes ». Celui du 11 juin 1941 note que « Le ton de la propagande communiste est resté le même qu’auparavant. Outre de violentes attaques contre le gouvernement de Vichy, l’armée d’occupation est également attaquée et tenue pour responsable en grande partie de la misère actuelle du peuple français ». On pourrait multiplier les références.
Il est vrai que le PCF considère la guerre comme « impérialiste » durant cette période. Les attaques anti-allemandes de sa propagande, on l’a vu, n’échappent évidemment en aucune façon aux occupants. Sur la base d’un télégramme de l’Internationale communiste du 26 avril 1941 qui proclame que « la tâche essentielle actuelle est la lutte pour la libération nationale », le PCF opère un changement de sa ligne politique et appelle à la formation d’un « Front national de l’indépendance de la France » dans la deuxième quinzaine de mai 1941, soit nettement avant l’invasion hitlérienne de l’Union soviétique le 22 juin 1941. Désormais, la lutte contre l’envahisseur n’est plus corsetée par sa ligne politique. Après plusieurs destructions de matériels à partir de juillet 1941, la première action directe contre un membre de l’armée allemande, réalisée par Pierre Georges (futur colonel Fabien) le 21 août 1941 au métro Barbès-Rochechouart, fait entrer la Résistance dans la lutte armée. A cette date, aucune action de ce type n’a encore été menée par quelque organisation que ce soit. La Résistance est encore, pour l’heure, exclusivement consacrée à la propagande politique et l’appui aux revendications, le renseignement ou les réseaux d’évasion. Les communistes resteront longtemps les seuls à préconiser l’action directe contre l’occupant, face à ce sera plus tard qualifié d’« attentisme ».