Discours de Lucienne Nayet à l’inauguration du nouveau musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne

Discours de Lucienne Nayet à l’inauguration du nouveau musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne

Discours de Lucienne Nayet à l’inauguration du nouveau musée de la Résistance Nationale à Champigny-sur-Marne

Notre camarade du PCF pays de Morlaix Lucienne Nayet, ancienne élue communiste à la culture à Champigny-sur-Marne, enfant cachée et fille de déporté mort à Auschwitz, est la présidente du Réseau du Musée de la Résistance Nationale. A ce titre, elle inaugurait le nouveau musée de la Résistance Nationale le samedi 29 février dernier et prononçait ce discours très beau et émouvant, chargé de sens surtout.

L’ouverture du nouveau musée de la Résistance Nationale est l’aboutissement d’un magnifique travail collectif dans lequel Lucienne s’est énormément investi que nous saluons aujourd’hui.

Messieurs les Sénateurs,
Monsieur le Député,
Madame la Présidente du Conseil Régional d’Île-de-France,
Monsieur le Président du Conseil départemental du Val-de-Marne,
Monsieur le Maire de Champigny-sur-Marne,
Mesdames et messieurs les élu(e)s régionaux, départementaux et municipaux,
Mesdames et messieurs les représentant(e)s d’associations,

Chers Ami(e)s,
Chers toutes et tous,

En ce jour mémorable, j’ai une émotion intense pour tous ces résistantes et résistants qui sont à l’origine de cette création d’exception : rassembler des archives et ouvrir un musée, le rêve commun de ce collectif de femmes et d’hommes qui oeuvrent depuis 1965, est enfin réalisé. Un grand musée national de la Résistance, ainsi que l’ont dit Georges Marrane, dirigeant de la zone sud, sénateur et maire d’Ivry de 1925 à 1939 et Roland le Moullac, secrétaire de l’Association du Musée de la Résistance dans un extrait de la revue créée en 1965 « Nous voulons faire de notre musée une réalisation valable pour des générations ; nous voulons que, retraçant une page glorieuse de l’histoire de la France, il insère celle-ci dans notre patrimoine national […] Tous les courants de pensée et d’action de la Résistance ont leur place […] Evidemment, les premières personnes auxquelles nous pensons sont les anciens résistants, maquisards, FTPF, FFI, FA, anciens emprisonnés, internés, déportés, ainsi que leur famille, leurs proches amis, leurs connaissances, les témoins, […] les gaullistes, communistes, socialistes, catholiques, protestants, juifs et aussi des représentants d’immigrés vivant en France, ayant si courageusement combattu dans la Résistance patriotique pour l’indépendance de la France ».

Notre musée de France qui a ouvert en 1985 à Champigny-sur-Marne grâce à l’aide de la ville dans le site Vercors rebaptisé Jean-Louis Crémieux Brilhac en mars 2016.
Ainsi, le département du Val-de-Marne présidé par Christian Favier, qui avec la ville est notre partenaire depuis le début, a décidé de mettre à disposition ce beau bâtiment Aimé Césaire construit par l’agence Lelli dans ce bel environnement que sont les bords de marne, un écrin exceptionnel de verdure.
Et puis l’apport des subventions et soutiens des conseils départementaux de Seine-Saint-Denis, de la ville de Paris, de la Région Île-de-France, des ministères de tutelles (Défense, Anciens Combattants, Culture, Education nationale) nous permettant ainsi de réaliser ce nouvel aménagement, et dirigé par le groupement Lorenzo Greppi et Juliette Saladin ; une scénographie vivante, pleine d’inventions, exposant la résistance intérieure et extérieure dans des multiples questionnements. En un mot : Superbe ! Une scénographie vivante, pleine d’inventions, exposant la Résistance intérieure et extérieure dans de multiples
questionnements, des salles pleines d’ingéniosité, intelligentes, pour servir l’Histoire dans une atmosphère émotionnelle. Chaque objet, chaque document, sont des parcours de tranche de vie. En un mot : Saisissant.

Ce nouveau beau site qui va ouvrir ses portes aujourd’hui avec vous madame Pécresse, monsieur Favier et monsieur le Maire de Champigny-sur-Marne est un projet développé sur deux sites :

– Ici l’exposition permanente du MRN et ses activités pédagogiques,
– Et l’ancien (avenue Marx Dormoy) sera consolidé pour être le lieu de conservation de la Collection et un centre de documentation et de recherche.

Ces deux pôles permettront de mieux porter l’Histoire et la Mémoire de la Résistance, partout en France, en lien et appui avec notre réseau de 22 musées que j’ai l’honneur de présider.

Grâce à ces deux lieux, grâce à sa richesse associative et tous ces bénévoles qui travaillent sans relâche et que je remercie vivement, nous allons pouvoir poursuivre et mettre en avant les quatre enjeux, qui réunis, font sa force ; être un musée exposant l’une des plus belles collections sur l’Histoire de la Résistance,
être un espace de médiation culturel et citoyen, un acteur de la communauté éducative et un lieu de recherche.

Je suis convaincue que l’équipe professionnelle dirigée par Thomas Fontaine et Fatih Ramdani portera en synergie ces enjeux. Je salue Guy Krivopissko, en poste jusqu’en juin 2016 et qui pour des raisons familiales ne peut être présent mais est de tout cœur avec nous, je remercie infiniment le personnel du musée, petite
équipe de 9 personnes, qui a travaillé sans relâche depuis des mois et une grande partie de la nuit.

Je voudrais revenir sur les fondatrices et fondateurs du MRN, pendant que je vous parle je pense profondément à eux, ces résistantes et résistants que j’ai eu la chance de rencontrer et avec lesquels j’ai discuté, qui ont façonné mon parcours, forger une passion de force et de vitalité pour comprendre et réfléchir sans cesse.

Pourquoi ont-elles et ont-ils accolé l’adjectif « nationale » au mot « Résistance » ? Ils ont voulu rappeler et signifier que l’essence du combat de la Résistance Française (intérieure et extérieure) était placée sous le signe de la nation (trahie, occupée, tyrannisée, pillée), inséparable depuis 1789 des principes humanistes,
patriotiques et républicains (justice, droits de l’homme, indépendance, souveraineté du peuple, liberté, égalité et fraternité) et que ces principes dessinaient l’horizon émancipateur et universaliste de leur engagement en résistance.

L’extinction progressive de la génération des témoins nous pose une réflexion d’ensemble sur la mémoire, sur son questionnement et sur sa transmission pour aujourd’hui et pour demain. L’obligation de se confronter à son passé pour en soigner les traumatismes, lutter contre l’oubli et le négationnisme sont devenus des lieux communs. Notre inquiétude est d’autant plus forte au vu des évènements récents qui se sont déroulés en Allemagne.

Qui pour transmettre la mémoire après la disparition, je le répète, des témoins ?

A quoi sert l’histoire si elle ne sert pas à émanciper l’humanité. Les acteurs de cette transmission sont notre musée, les professeurs, les musées à travers la France, les historiens, les centres d’archives, les recherches tant visuelles que sonores.

Nos collections toujours et sans cesse enrichies vont permettre de toujours mieux travailler les problématiques et enjeux de cette période que fut la Résistance.

J’aime bien évoquer les mots de Jean-Louis Crémieux Brilhac qui rappelait que la Résistance était un rassemblement de libertés dans une école de liberté ou ceux de Marc Bloch (historien et résistant fusillé le 6 juin 1944) qui disait « l’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent, elle compromet dans le présent l’action même ». Cette belle histoire de la Résistance doit être enseignée parce qu’elle rassemble et n’exclut pas. Ou aussi Raymond Aubrac, résistant et commissaire de la République désigné par De Gaulle, qui aimait dire :

Pourquoi j’ai résisté (je cite de mémoire) :
– Je savais que cela servirait à quelque chose
– On pouvait mourir mais j’agissais pour les nouvelles générations
– J’avais des espérances actives

En suivant ces enseignements, je suis persuadée que tous ceux qui demain viendront visiter notre musée ne pourront être seulement les spectateurs ou les observateurs de cette mémoire. Ils devront en être les actrices et acteurs.

Cette aventure humaine et collective n’a pas fini de nous léguer un héritage.

Nous sommes les acteurs de sa transmission.

Ces mots nous les écrirons sur ces murs de l’espace « Aimé Césaire ». Ce député maire de Fort-de-France, décédé en 2008, qui a incarné de façon singulière sur un double plan, poétique et politique, la prise de conscience de l’être noir qui reste une pensée forte du XXème siècle.

Pour finir, j’ai eu envie de parcourir à nouveau le livre La vie à en mourir-Lettres de fusillés 1941-1944, que le MRN a publié.

Ils s’appelaient Henri Bajtsztok, Tony Bloncourt, René Bonpain, Henry Fertet, Olga Bancic, Honoré d’Estienne d’Orves, Léon Jost, Guy Moquet, Gabriel Péri, Arthur Loucheux, ces milliers de résistantes et de résistants célèbres ou anonymes.

Tous leurs mots sont l’ultime acte de résistance de femmes et d’hommes restés debout face à leur destin.
Oui la mémoire et son travail n’est pas une dévotion, c’est une création permanente.

Cette mémoire collective comme source d’enseignement, de critique, d’apprentissage pour le jeune citoyen d’aujourd’hui.

Le dernier mot en citant Paul Eluard, manuscrit original du poème Liberté qui est dans nos archives « Si l’écho de leurs voix faiblit nous périrons »

Je vous remercie.

Lucienne Nayet

Comments are closed.