A Vernon, Jean-Paul Lefebvre-Filleau raconte les femmes résistantes
Pourquoi avez-vous eu envie de mettre à l’honneur les femmes résistantes ?
Jean-Paul Lefebvre-Filleau : Particulièrement motivé pour effectuer des recherches sur le second conflit mondial, je pense qu’il était temps de rappeler le sacrifice de ces femmes héroïques qui sont les arrière-grands-mères, les grands-mères ou les mères de très nombreux Français d’aujourd’hui.
Quelle est la particularité de ces femmes par rapport aux hommes qui sont entrés dans la Résistance ? Quels sont leurs atouts ?
De par leurs qualités intrinsèques, elles ont pu œuvrer dans tous les emplois de la Résistance, d’autant que l’occupant allemand, animé par une certaine misogynie, se méfiait moins des femmes, « leur charme, leur intuition, leur tact étaient des atouts dont elles usaient et abusaient… à bon escient », comme l’affirme ma préfacière, Odile de Vasselot, du réseau Comète. Cette misogynie ambiante existait également du côté des Alliés. Par exemple, le numéro 2 de l’Intelligence Service (britannique), Sir Claude Dansey, a longtemps cru que le réseau Alliance était dirigé par un homme et non par une femme, Marie-Claude Bridou épouse Fourcade (après guerre), alias Hérisson. Ce n’est qu’en 1943 qu’il a découvert la véritable identité de Hérisson. C’est vrai que les hommes étaient les plus nombreux au sein de la Résistance, surtout en 1944. Avant le débarquement allié en Normandie, on estimait le nombre des résistants de tous sexes entre 300 000 et 500 000 dont 15 à 16 % de femmes, ce qui explique qu’elles n’ont pas pu toujours jouer tous les premiers rôles dans la lutte contre le nazisme.
Le sujet des femmes dans la Résistance a déjà été traité, qu’apportez-vous de plus dans ce livre ?
Je ne suis pas d’accord. L’historiographie de la Résistance a été écrite par des hommes qui ont relaté essentiellement les exploits des hommes. Ce n’est que récemment, notamment avec la sortie du film Lucie Aubrac et d’une ou deux séries télévisées que le rôle des femmes dans la Résistance a été mis en exergue. Dans quelques rares films, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, leur action, aux côtés des hommes, est plus effacée, avec une exception pour le film « L’armée des ombres ». Dans ce film, tiré du livre de Joseph Kessel dont la rédaction est achevée à Londres en septembre 1943, le personnage de Mathilde emprunte des traits à Lucie Aubrac, mais il s’agit néanmoins d’une fiction magnifiquement réalisée par Jean-Pierre Melville. Cela dit, même ce film met davantage en avant deux héros masculins joués, pour l’un par Lino Ventura, pour l’autre par Paul Meurisse qui semble être l’incarnation du chef de la Résistance en France.
Vous avez choisi de présenter ces héroïnes sous forme de portrait, pourquoi ? Quelles sont vos sources ?
J’ai estimé que choisir le portrait était le meilleur moyen de les faire revivre auprès du lecteur dans leurs actions résistantes, dans leur environnement social et familial, d’exposer au lecteur leurs difficultés, leurs souffrances, leurs doutes aussi. Pour cela, il était nécessaire de s’appuyer sur des sources fiables : outre les souvenirs rédigés par des résistants et des résistantes, hélas peu nombreux, des archives officielles comme l’Armée de terre, le service historique de la Défense, les archives nationales, départementales, municipales, la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, la Chancellerie de la Légion d’honneur, les archives des conflits contemporains, la Fondation pour la mémoire de la déportation, le musée de la Résistance et de la Déportation, des archives familiales…
Certaines sont connues comme Lucie Aubrac, d’autres le sont moins, comment avez-vous sélectionné ces femmes ?
J’ai choisi un éventail de résistantes issues des milieux socio-professionnels, politiques et religieux les plus représentatifs. Je leur devais bien cela car je ne pouvais pas, malheureusement, évoquer le souvenir de toutes, c’est-à-dire plusieurs milliers d’entre elles.