Marcel Le Roy, résistant et déporté Nacht und Nebel au KL Natzweiler, fête ses cent ans.

Marcel Le Roy, résistant et déporté Nacht und Nebel au KL Natzweiler, fête ses cent ans.

Toute l’équipe du Centre européen du résistant déporté lui souhaite un très bel et joyeux anniversaire.

Une vie d’engagement :

Le résistant, agent de renseignement en Bretagne

Selon le général de Gaulle, « on ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu ». Marcel Le Roy est de ces hommes.
Né à Niort-la-Fontaine en Mayenne le 26 octobre 1919, il s’engage à 20 ans pour la durée de la guerre en tant que Technicien supérieur radio dans l’Armée de l’Air, diplômé de l’Ecole Breguet.
A la suite de la fulgurante défaite française, et après avoir entendu l’appel du général de Gaulle, il décide de continuer le combat. Coûte que coûte. En décembre 1940, il tente de rejoindre l’Angleterre par les airs à partir de la base aérienne de Bergerac, puis par mer depuis un port de Bretagne au large duquel un sous-marin anglais devait le conduire en Angleterre mais ce dernier ne pourra finalement pas être au rendez-vous fixé. Enfin, à nouveau par mer depuis Marseille sur un cargo américain mais l’opération échouera du fait de la surveillance de la police.
En 1941, il est contacté par son ami de l’Ecole Breguet, Jean Le Roux, chef d’antenne du réseau de renseignement Johnny. Ce réseau, créé depuis peu, a pour mission de transmettre à Londres tous les renseignements disponibles sur l’envahisseur. Jean Leroux propose à Marcel Le Roy d’intégrer le réseau en tant qu’opérateur radio.
Le jeune homme accepte et, jusqu’en février 1942, réalise de nombreuses missions clandestines à travers la Bretagne et ailleurs. Des informations militaires importantes sont transmises à Londres au moyen d’un poste émetteur ; des documents relatifs aux forces allemandes sont également transmis en Angleterre par voie de sous-marins. Avec les services de renseignements alliés, le réseau « Johnny » jouera un rôle essentiel dans la mission consistant à mettre hors de combat dans le port de Brest les redoutables croiseurs de bataille Scharnost et Gneisenau qui décimaient les convois alliés dans l’Atlantique.

Arrestation par la Gestapo suivies de deux évasions

Poursuivi par la Gestapo, Marcel Le Roy est arrêté une première fois le 16 février 1942 à Quimper. Quelques heures après son arrestation, il parvient à s’échapper en sautant des étages de la Feldgendarmerie. En chutant, il se blesse à la cheville.
Fugitif, il tombe, avec plusieurs membres du réseau, une seconde fois entre les mains de la Gestapo. Il réussit à s’évader une seconde fois profitant d’un court instant d’inattention de ses gardes.

Arrestation définitive par la Gestapo – l’enfer des camps

Mais le 18 février 1942, dénoncé par un capitaine de gendarmerie français, il est définitivement capturé par la Gestapo à la ferme des Tourelles dans les environs de Quimper, où il avait trouvé refuge.
Emprisonné d’abord à Angers, Marcel Le Roy est transféré à la prison de Fresnes. A cette période, il est interrogé par la Gestapo et affreusement torturé ; puis son parcours carcéral se poursuit au Fort de Romainville.
Le 15 juillet 1943, il est déporté au camp de concentration de Natzweiler – Struthof en Alsace annexée.
Son convoi, composé de 56 hommes, est le troisième des trois premiers convois de déportés français classés « Nacht und Nebel « (Nuit et Brouillard) arrivés au KL Natzweiler en juillet 1943, et promis d’emblée à la mort par le régime nazi.
C’est le début de l’enfer concentrationnaire. Seul un courage admirable, sans doute aussi un destin miraculeux, pouvait sauver certains de ces condamnés.

En dépit de tout, l’honneur des N.N. : mourir la tête haute

Marcel Le Roy n’est plus pour les SS que le numéro 4590. Le jeune homme subit au quotidien leur violence et celle des Kapos qui s’acharnent avec une cruauté inouïe sur ces premiers déportés NN français.
Avec une vingtaine d’autres détenus, il est affecté à la Strassenbau I, dénommée le « ravin de la mort » placée sous les ordres d’un SS et d’un Kapo particulièrement sadiques. Du haut d’un mirador, les SS tirent sur les déportés comme au ball-trap.
Marcel Le Roy fait l’expérience de la faim intense, de la terreur nuit et jour, des coups incessants et du travail forcé qui conduisent à l’épuisement total et pour beaucoup à la mort.
Début mars 1944, il fait partie d’un groupe de 300 déportés transférés au camp annexe de Kochem, entassés pendant trois jours dans des wagons à bestiaux. Là, les déportés doivent aménager un ancien tunnel ferroviaire pour l’installation d’une usine. Les conditions de vie et de travail y sont épouvantables. Après un mois les SS rapatrient les NN au camp, pieds nus dans la neige. En seulement 30 jours, ils ont perdu 10% de leur effectif.
Marcel Le Roy est ensuite transféré dans un autre camp annexe de Natzweiler : Erzingen. Les conditions de vie y sont un peu moins terribles qu’au camp central.
En avril 1945, devant l’avancée des troupes alliées, les déportés sont évacués sur Allach, une annexe du camp de Dachau. A leur arrivée, le camp est complètement désorganisé et les déportés redoutent une extermination massive sous la pression de l’avancée des alliés. Marcel Le Roy pense, comme beaucoup de ses camarades que sa fin risque d’être imminente, assassiné d’une balle dans la tête.
La libération tant espérée

Mais le 28 avril, la garnison SS s’enfuit et le 30 avril le camp est libéré par les Américains.
Les libérateurs et les médecins déportés font des merveilles pour sauver les nombreux déportés aux portes de la mort ; mais beaucoup ne survivent pas longtemps à leur libération.
Marcel Le Roy, 1m 81, ne pèse plus que 41 kilos, mais il est vivant.

A la mi-mai, il éprouve une profonde émotion lorsque le général Leclerc rend visite aux déportés français. Emotion réciproque, le futur Maréchal, totalement horrifié et immensément reconnaissant, ne peut pas retenir ses larmes.

Vient enfin le temps du retour. Après une étape au lac de Constance où Marcel Le Roy et ses camarades reçoivent la visite du général de Lattre de Tassigny, c’est le retour en France via la Suisse.

Le 1er juin, il arrive à Paris. Après une courte halte à l’hôtel Lutétia, passage obligé pour de nombreux déportés, il prend un train en direction de Laval puis c’est le retour à Niort-la-Fontaine où il éprouve la joie indescriptible des retrouvailles avec les siens qui pensaient ne jamais devoir le revoir.

Le retour auprès des proches – Le très long retour à la vie ordinaire

L’état de santé de Marcel Le Roy est extrêmement précaire. Il reprend très progressivement des forces sur l’exploitation agricole de ses parents.

Atteint en particulier gravement aux poumons, il effectue de multiples séjours au sein d’établissements de convalescence et de soins où il séjourne pour de longues périodes.

Marcel Le Roy se marie en juillet 1951 avec Andrée Lainé, institutrice à Niort-la-Fontaine.
De cette union naissent trois enfants : Dominique en 1953, Bertrand en 1954 et Christine en 1959. Ils donneront au couple six petits enfants (Anne, Pierre, Jean, Constance, François et Sophie), et trois arrières petites filles (Juliette, Maëlle et Charlotte).

La reprise d’une activité et le citoyen engagé

Dans les années 50,60, il créé, à Niort la fontaine, une entreprise avicole importante mettant en œuvre les techniques les plus modernes de l’époque. Cette entreprise est une belle réussite.

Dans les années 60, il exerce pendant une courte période des responsabilités commerciales régionales au sein du laboratoire pharmaceutique Beecham implanté en Mayenne.

Jouissant d’une très grande estime des habitants de la région et spécialement de sa commune, très vite il est sollicité pour exercer des responsabilités électives.
Il est maire de Niort-la-fontaine de 1951 à 1974 et Conseiller général de la Mayenne pour le Canton de Lassay-les-Châteaux de 1962 à 1994. Novateur, il engage une modernisation déterminée de sa commune et du canton.
Administrateur au niveau départemental et régional de plusieurs établissements de crédit à vocation notamment solidaire, administrateur d’un foyer associatif de réinsertion d’anciens détenus … il déploie une intense activité à caractère social.

Ne jamais oublier les camarades des camps – l’infatigable témoin

Définitivement marqué par la tragédie des camps vécue dans sa chair, et inspiré par les combats de la Résistance, Marcel Le Roy, jusqu’aux limites de ses forces a partagé avec les jeunes générations le témoignage des héros de la liberté ; sans jamais négliger d’assortir cet hommage d’un message d’espoir. Fervent européen, il a inlassablement exhorté les jeunes générations à croire en un avenir de paix. Notamment sur le continent européen.
Pendant plusieurs années, il a apporté son concours actif au projet de création du Centre Européen du Résistant Déporté, au camp du Struthof, inauguré le 3 novembre 2005 par le Président de la République Jacques Chirac.

Distinctions
• Commandeur de la Légion d’honneur à titre militaire,
• Titulaire de la Croix de Guerre avec palme,
• Médaille de la Résistance,
• Médaille des Evadés,
• Médaille commémorative des Services volontaires dans la France Libre,
• Croix du Combattant volontaire de la Résistance,
• Croix du Combattant,
• Médaille de la Déportation pour faits de résistance,
• Reconnu Français Libre dans l’ordre de la France Libre,
• Titulaire d’un certificat délivré par le Field Marshal Montgomery pour services rendus au bénéfice des Nations Unies pour la grande cause de la liberté,
• Citoyen d’Honneur de la Ville de Verdun,
• Commandeur des Palmes académiques,
• Officier du mérite agricole.

Mandats divers

• Président du CEDAR (comité d’entente des associations de déportés et résistants de la Mayenne),
• Membre du Conseil d’administration de la délégation départementale de la France Libre,
• Membre de l’association mayennaise de l’Armée de l’air,
• Membre de la délégation départementale de la Légion d’Honneur,
• Assesseur au comité national du mémorial de la déportation du Struthof,

Sources :
• « Le prix de la liberté » de Marcel Le Roy (préfacé par Jacques Chaban-Delmas) disponible auprès du Mémoriel des Déportés de la Mayenne,
• Famille de Marcel Le Roy.
•CERD-Struthof

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