Adolfo Kaminsky, photo et usage de faux
Publié le 20/09/2019 à 15h44 – Modifié le 20/09/2019 à 15h38
Sur le mur du salon sont soigneusement encadrées de nombreuses photos en noir et blanc. Elles représentent le Paris populaire des années 1950 des pavés luisant de pluie, les puces de Saint-Ouen, une fillette dans une rue sombre, mais aussi des paysages lumineux du Sud. Le photographe Adolfo Kaminsky nous reçoit dans l’appartement où il vit aux côtés de son épouse, Leïla, dans l’ouest de la capitale. Avec son auguste barbe blanche, son air serein, ses manières retenues, l’homme, qui aura bientôt 94 ans, a l’allure d’un sage. L’exposition que lui consacre le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, à Paris, dévoile un aperçu de ses images longtemps restées secrètes. Si Adolfo Kaminsky a toujours travaillé dans la photographie, comme technicien de pointe puis comme professeur, il a en effet sacrifié sa carrière artistique pour se consacrer au combat de sa vie : la fabrication de faux papiers pour les personnes menacées par les dictatures ou en lutte pour la liberté. De l’époque du nazisme jusqu’au moment du mouvement antiapartheid, il a oeuvré clandestinement pendant presque 30 ans. Qui est donc cet homme d’action resté dans l’ombre ?
Résistant à 16 ans
Le vieil homme s’exprime d’une voix affaiblie, mais ses mots sont clairs et directs ; sa mémoire, solide. « Lorsque j’ai commencé à faire de la photographie, c’était pour les faux papiers, précise-t-il d’emblée. Cela m’a servi à créer des faux documents parfaitement identiques aux originaux, destinés à aider les Juifs et les résistants à circuler pendant l’Occupation. » À l’âge de 7 ans, le petit Adolfo arrive à Vire, en Normandie, avec ses parents, des Juifs athées d’origine russe, réfugiés en Argentine. En 1942, l’adolescent de 16 ans travaille chez un teinturier. Très habile de ses mains, assoiffé de connaissance, il devient vite un expert en chimie. Et quand le pharmacien lui propose de fabriquer des produits pour les opérations de sabotage de la Résistance, le jeune homme accepte sans hésiter. Ébranlé par l’assassinat de sa mère et celui d’un ami fusillé par les Allemands, deux ans auparavant, il ne veut plus « pleurer (ses) morts sans rien faire ».