Le choix de la Résistance
Sans délaisser l’étude — toujours essentielle — des réseaux, de l’organisation et des rapports de forces politiques, les historiens de la Résistance prêtent une attention croissante aux résonances intimes des événements de 1939-1944, qui engageront à entrer — ou non — en dissidence. Pierre Laborie, récemment disparu, avait ouvert la voie avec ses travaux sur l’opinion française sous Vichy. Un recueil d’articles posthume (1) rappelle les principaux traits de sa démarche : un questionnement subtil sur le vécu des acteurs ; un effort pour saisir la complexité des phénomènes d’opinion ; une acuité qui le rendait sensible à toute la gamme des formes du refus — de la réticence silencieuse à la résistance active — et qui l’amena à reconsidérer l’attitude de ces Français qu’un livre à succès présentait autrefois comme « quarante millions de pétainistes » (2). Chacune à sa manière, les dernières grandes synthèses historiques sur la Résistance traduisent cet intérêt pour les cheminements individuels. S’appuyant sur une impressionnante quantité de témoignages, Comment sont-ils devenus résistants ? est ainsi tissé d’une multitude de récits de vie entremêlés (3). Même préoccupation chez les auteurs de La Lutte clandestine en France : tout en proposant un cadre général solide et nettement dessiné, ils ne cessent de s’interroger sur ce qui oriente les trajectoires, sur ce qui fait la trame concrète d’un parcours résistant, « au ras de la quotidienneté » (4).