Mon oncle de l’ombre

Mon oncle de l’ombre

Mon oncle de l’ombre

est à

Plateau des Glières

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Il y a 77 ans aujourd’hui, le 26 mars 1944, les combats du plateau des Glières prenaient fin. J’ai eu la chance de pouvoir aller il y a quelques semaines sur ce site exceptionnel situé en Haute-Savoie.
Situé à 1435 mètres d’altitude, le plateau des Glières a été choisi comme terrain de parachutage par les Alliés durant la guerre. Grâce à l’agent secret britannique Peter Churchill, un premier parachutage a lieu le 21 mars 1943. Répondant aux demandes pressantes d’armes adressées à Londres par l’Armée Secrète de Haute-Savoie, une mission alliée, « mission Musc », est envoyée pour évaluer les besoins et les possibilités des maquis de la région. Sa conclusion est que plus de 2000 hommes devraient pouvoir être armés et organisés pour des actions futures. Le Plateau des Glières, qui a déjà servi pour un parachutage en 1943, est proposé pour servir de plateforme de largage.
A la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, reçoit de Henri Romans-Petit, le chef de l’AS de Haute-Savoie, le commandement des maquis de la région et la mission de réceptionner les parachutages sur le plateau des Glières. Les actions de résistance et de sabotage se multiplient, la loi martiale est décrétée dans le département. Tom décide alors le regroupement de 120 maquisards aux Glières. Deux compagnies sont constituées. 56 maquisards espagnols, anciens soldats de l’armée républicaine répondent à l’appel de Tom Morel. Ils forment les sections « Ebro » et « Renfort Ebro ». Dans les jours suivants, d’autres groupes de maquisards du secteur rejoignent le Plateau.
Dans la nuit du 13 au 14 février 1944, la Royal Air Force effectue le premier parachutage d’armes pour équiper le Bataillon des Glières. 54 containers sont largués sur le plateau. Le 20 février 1944, Tom Morel rassemble le Bataillon des Glières au pied du mât central où flotte la croix de Lorraine. Il donne au bataillon sa devise : « Vivre libre ou mourir ». Le 3 mars, 45 Francs-Tireurs et Partisans dirigés par Marius Cochet rejoignent le maquis des Glières. Désormais l’effectif est d’environ 320 hommes, ce qui est encore insuffisant face aux forces de l’ordre qui ont pris position dans les vallées. Mais les maquisards contrôlent à peu près tous les passages donnant accès au Plateau. Le 9 mars, Tom Morel vient d’apprendre qu’un Groupe Mobile de Réserve du Gouvernement de Vichy, conduit par le commandant Lefèbvre, est à Entremont pour préparer une attaque contre Glières. Il décide d’attaquer et investit le village avec les maquisards. Tom Morel fait face au commandant Lefèbvre. L’officier GMR tue Tom Morel à bout portant avec un petit pistolet qu’il avait dissimulé sur lui. Les maquisards remontent le corps de leur chef et celui de Georges Decour, tué à ses côtés, pour les enterrer sur le plateau.
Le 17 mars, Maurice Anjot, conduit par des résistants du Grand-Bornand, franchit le blocus et arrive au plateau. Il prend le commandement du bataillon qui compte maintenant environ 450 hommes. Depuis plusieurs jours, le maquis des Glières subit des attaques aériennes de la part de l’aviation allemande. Le 26 mars, l’armée Allemande lance des reconnaissances offensives sur le nord-est du plateau, notamment à Montiévret. À 22h, le capitaine Anjot, estimant que les maquisards n’ont plus les moyens de tenir et que « l’honneur est sauf », donne l’ordre à toutes les sections de décrocher et de rejoindre leurs maquis d’origine. 129 maquisards y laisseront leur vie. Les maquisards entament alors une redescente difficile de nuit vers les vallées. Traqués par les Allemands et les miliciens qui ont mis en place des barrages, ils doivent affronter la neige, le froid et l’eau glaciale des torrents.
Malgré les mois difficiles vécus par la Résistance au printemps 1944, les maquisards parviennent peu à peu à se réorganiser. Un parachutage massif d’armes a lieu le 1er août sur le plateau des Glières. Près de 3000 résistants sont mobilisés afin de récupérer un peu plus de 150 tonnes de munitions et de matériels envoyés par les Alliés. Grâce à ces armes et suite au débarquement en Provence, les résistants libèrent les grandes villes les unes après les autres. Ils progressent vers Annecy, qu’ils encerclent, obligeant les Allemands à capituler sans condition le 19 août 1944.
En 1973, un monument national à la Résistance est créé à l’initiative des rescapés du plateau des Glières. Il célèbre les valeurs des résistants dans le combat vers la liberté. Œuvre d’art abstraite d’Émile Gilioli, ce monument est porteur de plusieurs messages. La partie du monument coupée dans son élan symbolise ceux ayant donné leur vie durant l’hiver et le printemps 1944. La partie du monument s’élançant vers le ciel célèbre la victoire et la libération. La forme circulaire, symbole de soleil et de lumière, représente la liberté retrouvée après quatre années noires. La forme circulaire en équilibre précaire illustre aussi la fragilité de la liberté retrouvée. Elle se doit d’être protégée et défendue par tous.
Les maquisards des Glières tombés au combat sont pour la plupart inhumés au lieu-dit Morette sur la commune de La Balme-de-Thuy. Au lendemain des combats, l’occupant allemand veut enterrer les morts des Glières dans une fosse commune. Le maire de Thônes s’y oppose et souhaite qu’ils soient enterrés dignement. Le champ situé au lieu-dit Morette est choisi pour les enterrer. Les premières tombes sont creusées dès avril 1944, à Morette, face aux cascades qui descendent des Glières, pour inhumer les résistants morts au combat. En novembre 1944, le général de Gaulle, accompagné d’Yves Farge (commissaire régional de la République) et François de Menthon (ministre de la Justice), assiste à la ré-inhumation des corps en présence des familles. Dès 1945, le cimetière prend sa forme définitive. On y compte 105 tombes. En février 1949, le site est reconnu « Cimetière Militaire national ». Puis en 1984, il devient Nécropole nationale des Glières. On y trouve bien entendu la tombe de Tom Morel, le chef du maquis des Glières. Mais aussi celles de Républicains espagnols avec les couleurs de leur drapeau. Il y a aussi la tombe du docteur Marc Bombiger d’origine roumaine. Atteint par des éclats d’obus, le médecin n’en a pas moins sauvé deux grand blessés qu’il a portés lui-même jusqu’à une grotte voisine. Mort après la guerre, il a été inhumé avec ses compagnons de combat.
En ce jour anniversaire, que résonne la devise du maquis des Glières : « Vivre libre ou mourir ».
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