Disparition de Denise Breton, résistante et déportée

Disparition de Denise Breton, résistante et déportée


Née en 1919 à Billancourt (Boulogne-sur-Seine) ; résistante et déportée ; rédactrice en chef d’Heures claires ; membre du bureau de l’UFF depuis 1954, présidente de 1977 à 1989.
Denise Dumas naquit en 1919 à Billancourt, en banlieue parisienne, dans une famille ayant déjà deux filles. Elle perdit sa mère de bonne heure et son père, d’abord artisan boucher, travailla ensuite comme garçon boucher après avoir fait faillite. Elle-même alla en pension à l’école des Sœurs, jusqu’au CEP, davantage par habitudes liées au milieu social de sa famille que par convictions catholiques de celle-ci. Elle fréquenta ensuite l’école communale jusqu’au brevet puis, à quinze ans et demi, suivit un apprentissage de modiste.
Sa famille n’était pas du tout militante, mais Denise Breton, très marquée par ce qu’elle y avait entendu sur les horreurs de la guerre de 1914-1918, eut durant la Seconde Guerre mondiale une réaction patriotique face à l’occupant. Mise en contact avec la Résistance par son futur mari, elle entra en avril 1943 dans un réseau gaulliste comme agent de liaison. Le réseau ayant été trahi, tous deux furent arrêtés en août 1943 à Besançon. Son mari fut déporté à Buchenwald puis à Dora. Denise Breton passa quatre mois et demi à la prison de Besançon, puis à Romainville et au camp de Compiègne, avant d’être déportée durant seize mois à Ravensbrück et envoyée dans une usine des monts de Bohème. Elle avait alors un fils de quatre ans.
Libérée le 16 mai 1945, elle dit ne pas avoir supporté de retrouver le badinage de ses collègues d’atelier et se mit, durant quelque temps, à faire des chapeaux chez elle en écoutant Radio-Sorbonne. Ensuite, elle cessa de travailler, le couple estimant que les revenus du mari, entrepreneur en maçonnerie, étaient suffisants à la vie de la famille.
Denise Breton se réadapta très difficilement, et considère que c’est l’Union des femmes françaises qui le lui permit finalement. Elle cherchait à son retour des camps un mouvement agissant pour la paix. Une première inscription à l’UFF demeura sans suite mais, en 1950, elle participa à une réunion contre les armes atomiques, au moment de l’Appel de Stockholm. L’une des femmes présentes lui parla de l’UFF, et c’est ainsi qu’elle commença à y militer, dans le Ier arrondissement de Paris, avec Marguerite (Jean-Richard) Bloch* et Françoise Leclercq*.
Elle s’investit tout de suite beaucoup dans l’UFF, en suivit une école de formation de huit jours à Suresnes, et fut élue au conseil national en 1952, puis au bureau national à partir de 1954, et enfin à la vice-présidence (1965) et présidence (1977).
Elle fut à partir de 1959 rédactrice en chef d’Heures claires, périodique de l’UFF, jusqu’à son élection en tant que présidente, y couvrant de grands reportages comme en Iran, ou en Espagne pour la première grève des mineurs des Asturies sous le régime franquiste. Elle appréciait beaucoup l’intérêt du travail à Heures claires, ainsi que l’équipe formée avec Henriette Bidouze* et Colette Sabatier* et l’état d’esprit, qu’elle trouvait bien plus ouvert qu’à la direction de l’UFF.
Toutefois, elle dit avoir aussi aimé l’UFF pour la diversité des femmes qui y coexistaient, et y avoir retrouvé à tous les niveaux de responsabilité l’esprit de solidarité de la Résistance et de la déportation. Attirée à la fois par les actions en faveur de la paix et du droit des femmes (« Je suis née féministe », dit-elle), elle participa aux deux commissions nationales et fut, en 1957, co-secrétaire de la commission Paix. Elle suivit également les travaux de la commission Accouchement sans douleur qui, dit-elle, permit de dépasser l’ancestral « tu accoucheras dans la douleur » et de développer le respect envers les femmes.
Elle représenta l’UFF à la Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF) mais estima qu’il y était difficile, surtout après la mort d’Eugénie Cotton*, d’y parler du droit des femmes, les réflexions y étant plutôt orientées vers la paix et le désarmement. Par ailleurs, n’adhérant elle-même à aucun parti, elle y appréciait peu le côté « très pro-soviétique ». Elle participa néanmoins au Congrès mondial des femmes à Moscou en 1987, assurant en tant que présidente la représentation de l’UFF lors de nombreuses rencontres internationales.
Elle représenta également l’UFF au comité de travail féminin créé par Valéry Giscard d’Estaing, et fut nommée Chevalier de la Légion d’Honneur en 1976.
En 1989, prenant prétexte de son âge, elle quitta la présidence de l’UFF pour devenir présidente du comité d’honneur, créé en 1968. En réalité, elle souhaitait partir, sans pour autant provoquer de conflits. Elle considérait qu’avec le renouvellement des militantes, l’état d’esprit de l’UFF avait changé, privilégiant moins l’union des femmes au profit d’une politique davantage liée au PCF. En tant que présidente du comité d’honneur, elle continua à être membre du bureau national, mais partit définitivement peu de temps après.
Parmi ses souvenirs douloureux de militantisme figurent les luttes contre les guerres coloniales, pour lesquelles, dans un premier temps, il n’était pas facile de mobiliser et qui lui valurent des menaces de la part de l’OAS. Ses meilleurs souvenirs militants sont liés aux victoires obtenues dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes, comme la reconnaissance de l’accouchement « sans douleur », le livret de famille aux mères célibataires, désormais appelées « madame », le changement des régimes matrimoniaux en 1970.
Son mari, militant communiste, maire adjoint de Sartrouville (Yvelines) durant plusieurs mandats, ne mit aucun obstacle à l’investissement de Denise Breton dans l’UFF, essayant au contraire de lui faciliter la tâche. Ils eurent trois enfants et, pour concilier vie familiale et vie militante, furent aidés par une employée qui s’occupait notamment des enfants. Deux de ces enfants militent ou ont milité.
Denise Breton écrivit un livre sur différentes femmes de l’UFF, intitulé Histoires ordinaires du féminin présent, publié en 1982 par les éditions Messidor (Temps actuels).

POUR CITER CET ARTICLE :
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article17885, notice BRETON Denise [née DUMAS Denise] par Dominique Loiseau, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 3 mai 2009.

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