Mois : juin 2019

Ces grandes batailles bretonnes qui ont fait l’histoire de France (4/4): le maquis de Saint-Marcel

Ces grandes batailles bretonnes qui ont fait l’histoire de France (4/4): le maquis de Saint-Marcel

« Les dés sont sur le tapis, je répète, les dés sont sur le tapis« … le 4 juin 1944, Radio Londres invite la résistance bretonne à déclencher le plan vert,  la destruction des voies ferrées. Immédiatement, des centaines d’hommes prennent le chemin de St Marcel, dans le Morbihan.

Par Séverine Breton, avec SG

Au cœur des landes de Lanvaux, une poignée de résistants ont créé le maquis de Saint Marcel. C’est là que se trouve la « Drop zone » Baleine. Une zone de parachutage repérée par les alliés dès 1943. Le vaste champ est situé entre une rivière et la voie ferrée, facilement repérable du ciel et surtout loin des grandes villes où se trouvent les allemands.

150 000 soldats du Reich en Bretagne

Début juin 1944, 150 000 soldats du Reich sont installés en Bretagne. Le débarquement vient d’avoir lieu, résistants et parachutistes ont pour mission de fixer les allemands en Bretagne, pour empêcher l’envoi de renfort vers la Normandie. Ils doivent saboter les lignes téléphoniques, les voies ferrées, créer le désordre. Et pour ce faire, ils ont besoin d’armes.

Saint-Marcel. Le musée rend hommage aux femmes résistantes

Saint-Marcel. Le musée rend hommage aux femmes résistantes

-par Eva Dumand-

Le Musée de la Résistance bretonne célèbre ce week-end le 75e anniversaire des combats de Saint-Marcel. Cette année, les résistantes sont mises à l’honneur et la parole laissées aux femmes. En plus de l’exposition « Femmes engagées » installée dans le musée, la conférence d’Isabelle Le Boulanger, historienne, a éclairé, ce samedi, le public sur la place des femmes dans la résistance avec témoignages à l »appui. La conférence a été complétée par la parole d’Anne-Marie Tregouët, ancienne résistante du pays de Ploërmel, alors qu’elle avait seulement 19 ans.

L’HISTOIRE D’ANNE-MARIE TREGOUËT

À seulement 19 ans, à la veille de la libération, Anne-Marie Trégouët a participé activement à la résistance dans le pays de Ploërmel et ses alentours. Alors institutrice au Sacré-Cœur, occupé par les allemands, elle fourni des renseignements. Il y avait, aussi « L’hôtel moderne » juste à côté, où logeaient les Allemands : ça permettait de savoir qui ils fréquentaient. Elle rejoint, ensuite, la ferme de La Nouette, où étaient effectué le parachutage des résistants. Elle aide son oncle. Le 12 juin, il l’envoie à Ploërmel. Sur la route, elle voit les habitants fuir, c’est à ce moment-là qu’elle comprend que la ville est bombardée. Elle va, quand même, chercher les sacoches de grenades, cachées avec des légumes, que son oncle lui avait demandées. Sur la route de Loyat, elle croise les Allemands, elle présente ses papiers et après quelques instants, tous se mettent à rire. Elle avait fait sa photo quelques années auparavant, alors, amusés, ils lui disent « bébé hein?« … elle poursuit sa route sans ennuis. Anne-Marie conclut son histoire ainsi « Douze jours dans ce climat, pour une jeune fille de 19 ans, c’est une mémoire pour la vie… Si vous aviez peur, ce n’est pas là qu’il fallait aller. Pour nous, c’était tout à fait normal ». Marcel, complète, avec l’histoire de ce jour où il était allé se cacher chez l’oncle d’Anne-Marie. Surpris par un Allemand qui voulait l’emmener à la gendarmerie, il a attendu d’être dans un endroit sombre, puis lui a lancé son vélo à la figure avant de détaler. Une autre fois, son moteur en panne, il est allé dans ce garage surveillé nuit et jour par un Allemand. Il a emmené une bouteille de « goutte », puis a « dérobé » un moteur aux véhicules allemands. Ni vu ni connu, il est parti avec un moteur flambant-neuf, et a laissé le sien dans un véhicule allemand. Le soldat, ivre, n’a jamais rien remarqué.

DES TRAVAUX DE RÉNOVATION POUR DEUX ANS AU MUSÉE

Le musée fermera en septembre, pour deux ans de travaux. La moitié des bâtiments actuels seront détruits puis reconstruit, la seconde moitié sera rénovée entièrement, avec pour projets : un patio mémoriel faisant appel à des matériaux nobles et à des artistes contemporains ; un mémorial pour les parachutistes SAS libre ; un investissement dans des outils multimédias et interactifs. Ce sont 3,8 millions d’euros qui vont être investis pour faire vivre la mémoire de la résistance, avec pour objectif de regagner la barre des 50 000 visiteurs annuels, qu’il y avait à l’ouverture du musée en 1994.

LIRE LA SUITE

18 juin : appel ou appels ?

18 juin : appel ou appels ?

Appel ou appels ? Le débat n’est pas qu’entre historiens.
Parmi ceux qui existent certains auront un retentissement rapide (pas forcément immédiat) tel celui du Général De Gaulle. D’autres seront éclipsés pour diverses raisons liées à des considérations essentiellement politiques.

Une association provençale, Résister aujourd’hui », a mis quelques exemples en ligne. Les connaitre aidera à comprendre des cheminements, pourquoi le besoin d’unir et l’immense tâche qui revint à Jean Moulin pour y parvenir.

Voici le texte de Résister Aujourd’hui :

******
Rappelons-nous !

Le 16 juin 1940, Paul Reynaud démissionne, Pétain le remplace

Le 17 juin 1940 à 12H30, le maréchal Pétain, 84 ans, déclare d’une voix chevrotante :

Français !

A L’APPEL de Monsieur le Président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du Gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée qui lutte, avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes. Sûr que, par sa magnifique résistance, elle a rempli nos devoirs vis-à-vis de nos alliés. Sûr de l’appui des Anciens Combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le coeur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut tenter de cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’Honneur les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la Patrie.

Le jour même du discours de Pétain, quelques Français se disent « révulsés » comme Germaine Tillion, cofondatrice quelques semaines plus tard du premier réseau de résistance-le réseau du Musée de l’Homme. Le soir même, Daniel Cordier, jeune maurrassien et futur secrétaire de Jean Moulin, rédige à Pau un tract « contre le traître Pétain ». Le démocrate-chrétien Edmond Michelet et le communiste Charles Tillon font de même à Brive et à Bordeaux.

Le lendemain le Général De Gaulle lance son appel de Londres.

· L’appel de Charles Tillon du 17 juin 1940 à Bordeaux-Gradignan

« Les gouvernements bourgeois ont livré à Hitler et à Mussolini : l’Espagne, l’Autriche, l’Albanie et la Tchécoslovaquie…

Et maintenant, ils livrent la France.

Ils ont tout trahi.

Après avoir livré les armées du Nord et de l’Est, après avoir livré Paris, ses usines, ses ouvriers, ils jugent pouvoir, avec le concours de Hitler , livrer le pays entier au fascisme.

Mais le peuple français ne veut pas de la misère, de l’esclavage, du fascisme.

Pas plus qu’il n’a voulu de la guerre des capitalistes.

Il est le nombre : uni, il sera la force.

Pour l’arrestation immédiate des traîtres

Pour un gouvernement populaire s’appuyant sur les masses, libérant les travailleurs, établissant la légalité du parti communiste, luttant contre le fascisme hitlérien et les 200 familles, s’entendant avec l’URSS pour une paix équitable,

luttant pour l’indépendance nationale et prenant des mesures contre les organisations fascistes.
Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes,

Unissez-vous dans l’action ! »
Charles Tillon

Fondateur et commandant en chef des Francs Tireurs et Partisans Français (FTPF), soldats sans uniforme.

· L’appel d’Edmond Michelet du 17 juin 1940 à Brive

Le 17, aidé d’un marchand de machines à écrire de Brive, Frédéric Malaure, Edmond Michelet polycopie un texte de Charles Péguy, extrait de L’Argent, qui comprend notamment ce passage :

« Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend. En temps de guerre, celui qui ne se rend pas est mon homme quel qu’il soit, d’où qu’il vienne et quel que soit son parti. Celui qui rend une place ne sera jamais qu’un salaud, quand même il serait marguillier de sa paroisse… »

Puis, quand les deux hommes ont suffisamment d’exemplaires, ils contactent des amis sûrs, un professeur de lycée et quelques ouvriers, et, la nuit tombée, vont discrètement distribuer leurs feuilles dans les boîtes aux lettres de Brive

· L’appel de Daniel Cordier ( 19 ans) le 17 juin 1940 à Pau

«Les jeunes font appel à ceux de leurs camarades qui aiment la France, qui savent encore ce qu’elle représente et qui veulent sauver son âme. Ils leur demandent de se retrouver dans ce but. Groupons-nous. La France ne doit pas mourir. »

( Daniel Cordier fût le secrétaire de Jean Moulin)

· Germaine Tillion résiste dès le 17 juin 1940

révulsée par le discours de Pétain annonçant l’armistice, elle cherche dès le 17 juin à résister et participe à la fondation du Réseau du musée de l’homme, le tout premier des réseaux de la résistance. Dénoncée et arrêtée en 1942, elle est déportée l’année suivante à Ravensbrück où elle résiste en restant ethnographe et décrivant l’univers concentrationnaire.
· L’appel du Général De Gaulle le 18 juin 1940 à Londres

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi.

Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis.

Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.

Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres. »

· Le 10 juillet 1940, après la débâcle française face à l’armée allemande, le Parlement vote à Vichy les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, la plupart des français, illusionnés par ses discours, ont laissé faire et ont permis la trahison et la collaboration avec les nazis et l’on sait ce que cela a coûté à la France et à l’Europe

Mais n’oublions pas, ces français de toutes sensibilités qui ont su, dès 1940, résister et appeler à résister. Ils étaient très peu mais avaient la volonté farouche de défendre nos Libertés. La nazification de l’Europe se heurta dans tous les pays à des actes de résistance, qui vont aller en s’amplifiant au fur et à mesure du durcissement des conditions d’occupation et de l’amélioration de l’organisation des réseaux de résistants.

C’est l’unité forgée au sein du Conseil National de la Résistance, présidé par Jean Moulin, dans la nuit de la clandestinité qui a permis, à la libération, la restauration de la République et l’approfondissement de la démocratie.

C’est aussi ce consensus né de la Résistance qui est à la base des progrès économiques et sociaux que la France a connu dès 1945, les nationalisations, la création de la sécurité sociale, des retraites par répartition, des comités d’entreprises, la liberté de la presse etc.

· En 1994, désirant favoriser la transmission, des personnalités de tous horizons politiques ou confessionnels, de Lucie Aubrac à Jacques Chaban-Delmas, ont décidé de parrainer « Résister Aujourd’hui » pour une mémoire vivante et partagée de la Résistance et de la Déportation.

Aujourd’hui, témoins du démantèlement continu des acquis sociaux, économiques et culturels du programme du C.N.R.‘‘Les Jours Heureux‘‘ pour lesquels nos aînés se sont battus parfois jusqu’au sacrifice suprême dans les maquis ou dans les camps de la mort. ‚ nous appelons les françaises et les français de toutes tendances à résister encore.

· C’est toujours sur le terreau du chômage et de la misère que naissent et prospèrent les fascismes.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui sont d’accord avec nos analyses et nos actions, à nous rejoindre en adhérant ou en nous soutenant financièrement à l’aide du bulletin d’adhésion et de soutien en pièce jointe.

« Résister Aujourd’hui » Aix en Provence le 17 juin 2019

Résister Aujourd’hui
Le Ligourès
Place Romée de Villeneuve
13090 Aix en Provence

75e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane : un site de généalogie met en ligne un arbre collaboratif

75e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane : un site de généalogie met en ligne un arbre collaboratif

Un site internet de généalogie commémore le 75e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane en mettant en ligne un nombre importants de documents sur les martyrs du 10 juin 1944.

Par Hélène Abalo

A l’occasion du 75e anniversaire du massacre d’Oradour-sur-Glane, un site internet de généalogie a mis en ligne un certain nombre de documents concernant les martyrs du 10 juin 1944. Généanet met en avant ce projet pour rendre cette démarche collaborative.

Sur la page dédiée, la liste des ressources permet d’accéder à des photographies du cimetière et des monuments et plaques commémoratives, le relevé de recensement de la commune en 1936, le relevé des mariages de 1913 à 1936. Des liens pointent vers les actes numérisés par les archives de la Haute-Vienne. 

L’une des ressources concerne le relevé officiel des victimes : nom, prénom, nom du conjoint, date, lieu, département et pays de naissance. On peut alors souligner que 15 Espagnols ont trouvé la mort ce 10 juin 1944, mais aussi des Italiens, des familles originaires de Charente, du Finistère, ou encore 38 Mosellans qui avaient été expulsés de Lorraine en 1943.

On y retrouve la famille de Robert Hébras, dernier survivant du drame aujourd’hui : sa mère Marie, sa soeur aînée Georgette et sa petit soeur Denise, qui n’avait que 9 ans lorsqu’elle a été brûlée vive dans l’église.

Elle s’appelait Michèle Frédérica Aliotti. Née le 14 avril à Oradour, elle est morte dans l’eglise incendiée alors qu’elle n’avait même pas deux mois, sa soeur, Christiane, avait 4 ans. Maurice Christian Villatte était né à Limoges le 19 mars. Guy Peyroux et René Joyeux étaient agés de 6 mois.
JNR 2019 : Discours de Robin Renucci

JNR 2019 : Discours de Robin Renucci

Texte prononcé par Robin RENUCCI , Directeur des Tréteaux de France, place de la République le 27 mai 2019
à la Journée nationale de la Résistance :

« Je salue ici l’événement qui nous rassemble aujourd’hui, 27 mai, dans Paris libéré ;
Je salue ici chacune de vos présences, si nombreuses que, pour en appeler à notre plus grand dénominateur commun, femmes et hommes libres de Paris ou d’ailleurs, j’ai envie de vous saluer tous sous un même mot d’ordre, celui de « citoyens ».
– Citoyennes vous l’êtes, toutes les associations et institutions mémorielles et culturelles qui, comme le Comité Parisien de la Libération, entretiennent la mémoire de la Résistance, de la répression ;
– Citoyennes aussi, toutes les victimes de la déportation, les victimes des
persécutions, qui ont résisté, jusque dans les camps.
– Citoyenne, Madame la Maire de Paris, citoyens aussi, Mesdames et Messieurs les élu.e.s, malgré votre absence en ce jour d’un évènement pourtant inscrit au calendrier républicain, vous manquez aux cotés d’une centaine d’associations et fondations citoyennes, représentées par les réseaux de résistance, les amicales des camps, les forces syndicales, les musées de la Résistance ;
– Citoyens, vous aussi, écoliers et enseignants engagés par votre présence dans une prise de relais qui s’exprime à travers les chorales, les ateliers de théâtre…
Ce 27 mai est la date anniversaire de la première réunion du CNR, le Conseil National de la Résistance.
Il y a 76 ans, jour pour jour en 1943, dans la rue du Four, le CNR se réunissait sous la présidence de Jean Moulin qui sera arrêté trois semaines plus tard.
Aujourd’hui, nous ouvrons officiellement les cérémonies de commémoration des 75 ans de la Libération de Paris, qui seront jusqu’en août l’occasion de mesurer notre chance de vivre dans Paris Libéré.
75 ans, cela couvre l’étendue d’une vie humaine ; les témoins et acteurs directs de la Libération de Paris sont ici pour rappeler l’héroïsme des disparus et transmettre la flamme de la liberté aux Jeunes, qui atteignent aujourd’hui l’âge qui fut pour eux en 1944, celui de l’engagement politique et citoyen.
C’est ici que l’Histoire se transmet et se rejoue.
Sur cette Place de la République, où la caserne de la Garde Républicaine a été l’un des derniers théâtres des combats de 1944, pour reprendre Paris à l’ennemi.
L’ennemi a le visage du totalitarisme et de la barbarie, du rejet des différences, de la persécution de l’autre.
L’ennemi, il faut le rappeler chaque jour, cherche sans cesse à reprendre l’offensive, y compris par les urnes : le dernier scrutin européen n’a pas été épargné. Au coeur des enjeux du monde libre, les élections d’hier expriment à nouveau des régressions tentées par le repli sur soi, l’exclusion des étrangers, la pensée unique, la confiscation des pouvoirs démocratiques…
C’est pourquoi nous sommes là, 75 ans plus tard, pour garder vivant un événement si proche de nous et de notre actualité politique et européenne.
Je suis heureux, en ce 27 mai qui nous réunit, de m’adresser aux lycéens qui interviennent par le théâtre, à l’issue d’une série d’ateliers avec les Tréteaux de France, Centre Dramatique National que j’ai la chance de diriger.
Chers élèves du Lycée Victor Hugo, vous avez suivi nos ateliers animés par la comédienne Judith d’Aleazzo et votre professeure Lucille Perello. Sur un texte en deux parties de Évelyne Loew, vous remettez en scène l’héroïsme d’une génération qui a su triompher du fascisme, du nazisme et de la barbarie… et vous avez appris, jeunes amateurs de théâtre, que votre pratique des arts est un héritage direct du CNR.
J’ai envie de vous relire un extrait de son programme historique, auquel je dois la chance d’avoir pu m’élever, en devenant homme de théâtre autant que citoyen.
Dans son chapitre « social », ce programme adopté à l’unanimité par le Conseil National de la Résistance sous le titre « Les Jours Heureux », défend :
« La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires. »
Les acquis de ce programme visionnaire sont nombreux, vous l’avez appris aussi, à travers nos ateliers de théâtre…
Cette ambition — pour l’instruction comme pour la culture — reste à défendre, aujourd’hui encore, a fortiori en 2019, année du Droit des Enfants : à nous de réaffirmer combien l’instruction et la pratique des arts nous éveillent, forgent les armes de la liberté, la capacité de résister.
La Résistance, n’en parlons pas au passé.
Vous êtes nés, cher.e.s élèves, dans un pays libre et riche — instable, pas toujours rassurant, mais en paix…
Ce monde privilégié n’appelle pas moins des combats, dont votre génération est consciente, avertie. Déjà peut-être, vous apprenez à résister, dans les associations d’Éducation populaires, dans la rue et sur les places comme celle où nous sommes, par le service civique, avec les moyens de pression des réseaux sociaux ?
L’engagement est un lieu d’apprentissage et même « une grande école de la vie ».
Vous pourrez retrouver sur le net un échange sur « l’acte de résister » qui m’a laissé un souvenir ému ; sur un plateau de télévision, le trompettiste et compositeur Ibrahim Maalouf interroge le philosophe et Résistant de la
première heure, Edgar Morin.
Précisons que l’un et l’autre sont issus d’une immigration dont la diversité et les talents contribuent à la richesse de la Nation, au fil des générations et des mouvements de populations !
Le musicien Ibrahim (né en 1980) dit à son aîné, Edgar (né en 1921) :
-« J’ai une question, de ma génération à la vôtre…
Comment résister ? Comment doit-on résister ?
-Ce à quoi le philosophe répond :
-« Vous savez, on était peu nombreux, dans la Résistance au début. On est devenus une majorité dans les derniers jours ; le tout est de ne pas avoir peur d’être une minorité.
À cette époque, j’avais des amis qui étaient arrêtés, qui étaient torturés, le pays souffrait, j’étais bien dans ma peau. J’étais heureux, dans un pays malheureux. Pourquoi ?
Parce que je faisais ce qui me semblait juste et bien. Résister, c’est ça.
Moi, j’identifie deux forces de barbarie :
-la 1ère, connue depuis le début de l’histoire, c’est le mépris, c’est la torture, c’est le massacre. Elle continue de déferler partout — en
Syrie, au Moyen-Orient.
-la 2e forme de barbarie, née à l’intérieur de notre civilisation si développée, c’est la barbarie froide et glacée du calcul et du profit.
RÉSISTER, c’est ne pas marcher là-dedans ; ne pas acheter des produits qui n’ont aucun sens, c’est notre façon de résister.
Contre la barbarie de la haine et contre la barbarie du calcul et du profit, n’attendons pas d’être des millions pour résister ».
Que faut-il ? Une nouvelle guerre ? L’apocalypse ? Que faut-il ? Des millions de morts encore ?
Que faut-il pour que la conscience des responsabilités face à l’avenir, le partage et l’humanisme deviennent des évidences ?
Est-ce qu’il faut encore une fois que la maison commune brûle pour que tout le monde s’unisse pour la sauver ?
Non, je ne veux pas le croire, je ne veux pas croire que les enseignements du passé seront inaudibles. Je ne veux pas croire qu’il faille de nouvelles catastrophes pour que chacun intègre, en son être le plus intime, la conviction que le racisme et l’intolérance, la rapacité, le cynisme, le rejet de l’autre et le manque de respect mènent à la catastrophe.
Je veux croire au contraire à la réflexion, à la fidélité, à la transmission des valeurs.
Je veux croire que l’Histoire donne à penser. Qu’elle aide à s’élever à la hauteur
des défis, toujours nouveaux. Car c’est simple et c’est compliqué.
Oui, il faut réfléchir. En 1914 il fallait défendre la paix, en 1940 il fallait faire la guerre, résister. Elle est à chaque fois différente l’actualisation des belles valeurs de notre République : Liberté, Egalité, Fraternité.
Dans cette incroyable épopée de la Résistance française,
c’est l’unification de la Résistance intérieure – réalisée par Jean Moulin, Pierre Brossolette, par le Conseil National de la Résistance – , c’est le dépassement des sectarismes – ce n’était pas évident – , c’est l’unité de commandement, sont les Alliés – cela non plus ce n’était pas évident -, c’est l’espoir en dépit de tout, qui ont permis la Libération.
Pour finir avec Ibrahim et Edgar, le musicien et le philosophe, je partage leur conclusion :
-la Résistance, ça commence partout où nous sommes capables de nommer, haut et fort, ce qui nous aliène.
Haut et fort… C’est à vous maintenant, amateurs et amoureux du théâtre, d’investir cette scène, en fervents héritiers du CNR.
Merci d’avoir participé à nos ateliers avec un si bel engagement ; et quel que soit votre âge, continuez à vous dépasser dans la pratique des arts, tout simplement parce que tout en nous réjouissant, cette pratique augmente notre exigence critique, notre aspiration citoyenne, notre relation aux autres et au monde.
Un dernier mot pour remercier la somme de tous les engagements qui font le succès de ce 27 mai 2019 ; merci aux efforts des nombreux organisateurs pour maintenir vivant l’esprit de la Libération ; l’action des Tréteaux de France doit beaucoup aux coordonateurs de la journée, attachés comme nous à faire vivre l’esprit du CNR dans les établissements scolaires ; l’action des Tréteaux de France doit également beaucoup à Madame la Proviseure du Lycée Victor Hugo ; à leur professeur et bien sûr aux lycéens de la classe de seconde .
Merci à Toutes et Tous ».

Journée d’études – 15 juin 2019 – Le Fort dit de Romainville aux Lilas

Journée d’études – 15 juin 2019 – Le Fort dit de Romainville aux Lilas

Le Cercle des Lilas organise le samedi 15 juin sa « Journéalogique » qui sera consacrée cette année au Fort dit de Romainville aux Lilas.
Locale et universelle, l’histoire de ce lieu et de ceux qui y sont passés interpelle toute personne cherchant à comprendre comment le système défensif – censé protéger Paris des envahisseurs venus de l’Est – a pu tomber aux mains des Prussiens en 1870-71, puis des Nazis en 1940-1944. Sur les traces des bâtisseurs, stratèges, simples conscrits, occupants, sinistres organisateurs de la Solution finale, femmes résistantes, internées, déportées… le Mémorial qui va y être élevé témoignera de ces aspects, pour l’avenir et les générations futures.
Thomas Fontaine, directeur du MRN interviendra à 14h30 sur « Les femmes internées au Fort » et guidera la visite du Fort à 16h45.

Inscription via internet recommandée.
L’invitation peut être téléchargée sur le site internet du MRN.
Samedi 15 juin, de 10 heures à 18 heures – Auditorium d’Anglemont, Centre culturel Jean Cocteau, 35 place Charles de Gaulle, 93260 Les Lilas