Catégorie : Actualité de la Résistance

Quel sens donner à la panthéonisation de Manouchian ?

Quel sens donner à la panthéonisation de Manouchian ?

Avec l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian est enfin reconnue la Résistance communiste, juive et étrangère. C’est aussi une certaine idée de la France, celle d’un projet politique d’émancipation hérité de la Révolution et des Lumières, qui sera consacrée le 21 février prochain.

Le 5 février, le PCF a organisé une soirée d’hommage à Mélinée et Missak Manouchian à l’occasion de leur entrée au Panthéon le 21 février prochain. Son secrétaire national, Fabien Roussel, a salué « une injustice réparée ». « C’est non seulement la Résistance communiste qui entre enfin dans le temple de la mémoire nationale mais c’est aussi (…) toutes ces femmes et tous ces hommes nés sur un autre sol et qui, pour la France, (…) luttèrent et sacrifièrent leur vie ». Rappelant que la France doit être « pensée comme un projet politique humaniste et universel », il a insisté sur le fait que « Missak Manouchian est devenu français non par le sang reçu mais par le sang versé » avant de laisser la parole à ceux qui ont œuvré à sa panthéonisation.

Jean-Pierre Sakoun, comment vous êtes-vous engagé en faveur de cette panthéonisation ?

Jean-Pierre Sakoun

Militant laïque et républicain, on prend conscience que l’engagement internationaliste et celui en faveur des principes de la Révolution française ne font qu’un. C’est cet engagement qui a fait que les communistes ont vu une continuité entre la grande révolution et la révolution bolchevique. Ces résistants étaient au sens propre des Français, c’est-à-dire les partisans d’un pacte politique et citoyen de progrès et de partage.

À un moment, il est temps que l’injustice soit réparée et que rentre au Panthéon un communiste mais aussi un ouvrier, un étranger et un poète. Nous avons structuré un comité de parrainage pour que l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian soit celle de tous les Français. Cela a été un long travail de tous les instants mené avec Katia Guiragossian, petite-nièce de Mélinée et Missak Manouchian, avec Pierre Ouzoulias et Nicolas Daragon, respectivement vice-président PCF du Sénat et maire LR de Valence, avec Denis Peschanski et avec la secrétaire générale d’Unité laïque, Aline Girard.

Denis Peschanski, quelle est la place de ces étrangers dans la Résistance ?

Denis Peschanski

Historien

Dans les archives, nous avons découvert que Missak Manouchian a demandé deux fois la nationalité française, en 1933 et en janvier 1940. S’il échoue à l’obtenir en 1933, c’est faute de revenu suffisant. Janvier 1940. Il veut aller au front et y aller comme Français. C’est dire son attachement à la France, aux droits de l’homme, à la Révolution et aux Lumières. Parmi ces étrangers, il y a évidemment une sensibilité antifasciste et antinazie particulièrement forte qui fait qu’ils vont être parmi les premiers dans la lutte armée. Il y a des « vieux » qui ont 35 ou 37 ans quand ils sont fusillés.

Leur expérience des persécutions antisémites, de la répression politique dans les pays d’Europe centrale et orientale et de la guerre d’Espagne va en faire des cadres. Je pense à Olban, à Cristina Boico, à Golda Bancic, à Boczov, Epstein, Geduldig et Celestino Alfonso. À leurs côtés des « gamins », entre 17 et 23 ans, comme Rajman ou Della Negra. Juifs, italiens, espagnols, ressortissants de pays d’Europe centrale, ils sont tous rassemblés autour des valeurs héritées de la Révolution française. Ils ne ciblent que des Allemands pour qu’on ne puisse pas dire qu’étrangers, ils s’en prennent à des Français. Ils mènent une lutte radicale contre les Allemands et ils vont être confrontés à la police française. On touche du doigt la responsabilité majeure du gouvernement de Vichy d’avoir accepté et voulu la collaboration.

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Il entre au Panthéon : Missak Manouchian l’Arménien, l’homme engagé, le résistant, le poète francophile

Il entre au Panthéon : Missak Manouchian l’Arménien, l’homme engagé, le résistant, le poète francophile

Le 21 février, jour du 80e anniversaire de l’exécution de vingt-deux résistants dont il était le leader, Missak Manouchian va entrer au Panthéon avec son épouse et sa partenaire de lutte, Mélinée. À travers eux, la Nation célèbre l’engagement des étrangers dans la Résistance, mais aussi une passion pour la France, pays d’accueil de ces orphelins apatrides, et sa culture.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions – Rédaction Culture

Publié le 17/02/2024 20:30
Temps de lecture : 6 min
Missak Manouchian photographié après son arrestation par la police française en novembre 1943, et sa lettre envoyée à son épouse Mélinée avant son exécution le 21 février 1944. Image extraite du documentaire « Manouchian et ceux de l’Affiche rouge » diffusé le 20 février 2024 à 21h10 sur France 2. (ARCHIVES DE LA PRÉFECTURE DE POLICE DE PARIS)
L’Arménien Missak Manouchian, mort fusillé à 37 ans avec vingt et un de ses camarades au Mont Valérien, en banlieue ouest de Paris le 21 février 1944, et son épouse Mélinée, gardienne de sa mémoire jusqu’à son décès en 1989, incarnent un couple emblématique à bien des égards dans leur lutte au sein de la Résistance, mais aussi dans leur relation avec la France.

Quatre-vingts ans après son assassinat, Missak Manouchian devient le premier résistant étranger, et communiste, à intégrer l’illustre temple mémoriel. Son nom, son visage grave et ombrageux, immortalisés par l’Affiche rouge réalisée par les nazis pour faire un exemple de ce « terroriste » arménien et de ses compagnons d’armes juifs polonais et juifs hongrois entre autres, symbolisent à jamais le groupe dont il avait pris la direction militaire à Paris.

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Résistance française : 80 ans plus tard, les fusillés d’Eysses symboles de la liberté et de la fraternité

Résistance française : 80 ans plus tard, les fusillés d’Eysses symboles de la liberté et de la fraternité

La cérémonie en hommage aux 1 200 détenus de la prison de Villeneuve-sur-Lot, durant la Seconde Guerre mondiale, a pris un caractère exceptionnel avec la présence de Jean Lafaurie, ancien résistant d’Eysses

« La centrale d’Eysses devait nous broyer. Elle nous a appris à vivre ensemble et ce qu’était la solidarité. » Ce dimanche 18 février, Jean Lafaurie a été le premier à parler, devant le mur des fusillés de la prison villeneuvoise. Quatre-vingts ans plus tard, l’ancien résistant, âgé de 100 ans, était de retour dans les murs où il a été emprisonné par le régime de Vichy, comme opposant politique.

Le dernier survivant de l’insurrection d’Eysses – et membre du bataillon résistant FFI de la centrale – n’a pas caché son émotion tout au long de la cérémonie, devant les 12 portraits peints de ses anciens camarades passés par les armes. Plusieurs centaines de personnes, de tous âges, étaient présentes dans la petite cour de la prison.

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Le musée de la Shoah rend hommage aux étrangers dans la résistance en France

Le musée de la Shoah rend hommage aux étrangers dans la résistance en France

À quelques jours de la panthéonisation de Missak et de Mélinée Manouchian, c’est toute l’histoire des résistants étrangers de la seconde guerre mondiale qui est célébrée en France. À cette occasion, le musée de la Shoah à Paris consacre une exposition aux étrangers dans la résistance, une histoire occultée.

Missak et Mélinée Manouchian rejoignent le tombeau des grandes personnalités qui ont marqué l’histoire de France. Ils ont pourtant été nombreux et actifs, les résistants dits étrangers durant la Seconde Guerre mondiale. Bien déterminés à défendre le pays, la France, qui leur avait donné asile.

Juifs d’Europe de l’Est chassés par la montée du nazisme et les pogroms, Arméniens rescapés du génocide turc de 1915, républicains espagnols réfugiés après la prise du pouvoir par le dictateur Franco, italiens en lutte contre la montée du fascisme, force de travail immigrée que la France avait fait venir par millions après la saignée de la Première Guerre mondiale.

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Exposition

Exposition

C’est aujourd’hui que démarre l’exposition de 27 planches extraites de « Vivre à en mourir » (Le Lombard avec Laurent Galandon) à la Médiathèque Lucie Aubrac de Vénissieux.
L’album retrace le parcours de Marcel Rayman, compagnon d’armes de Missak Manouchian ; et évoque aussi tous les membres du groupe, comme ici dans les dernières pages.
Vernissage vendredi 16 février à 18h en présence des auteurs.
Médiathèque Lucie Aubrac
Du mardi 13 au samedi 24 février 2024
2-4 avenue Marcel Houël
69200 Vénissieux
Rediffusion

Rediffusion

 

Rediffusion de « La Rafle du Vel d’Hiv » de David Korn-Bzorza dimanche 18 février 2024 sur France 5 à 21h05. Occasion de retrouver des témoins forts et bouleversants, dont l’une est récemment partie, Annette Krajcer (1929-2024), après Léon Fellmann (1925-2021) et Annette Zaidman (1934-2022). Rachel Jedinak, Esther Senot, Arlette Testyler et mes chers « vieux » amis Jenny Plocki et Joseph Schwartz sont toujours parmi nous – et dans la meilleure forme qu’on peut l’être à leur âge !

Au mémorial de la Shoah : des documents inédits pour présenter Manouchian et tous les étrangers de la résistance

Au mémorial de la Shoah : des documents inédits pour présenter Manouchian et tous les étrangers de la résistance

À l’occasion de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, le mémorial de la Shoah présente une exposition pour célébrer l’engagement des étrangers dans la Résistance.

Au cœur du mémorial de la Shoah, au pied de l’escalier qui mène à l’exposition, gît la « tache de sang », comme l’appelait Louis Aragon. L’Affiche rouge, haute de près d’un mètre, accueille le visiteur. Les visages des combattants de « l’armée du crime » y sont présentés comme autant de cibles « terroristes » abattues par les nazis. Une propagande qui dès ses origines « n’a pas fonctionné », rappelle la commissaire d’exposition Renée Poznanski.

Placardée partout sur les murs de Paris et dans plusieurs formats, elle avait pour but de désigner les ennemis : tous des étrangers coupables d’attentats contre les Français. Faux, leurs actions étaient ciblées et ne tuaient que des occupants allemands. Leur assignation à résidence communautaire est « un anachronisme déjà pour l’époque ». « Ces résistants étaient traversés par une convergence ou une polyvalence identitaires. » Juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, Italiens, Espagnols, communistes… Ces identités ne rentraient pas en concurrence, ne se hiérarchisaient pas. Ce qui prévalait, c’était leur volonté de libérer la France. Le dénominateur commun de leur combat : l’idéal des Lumières contre le fascisme et le nazisme.

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Huit livres et une exposition pour mieux connaître Missak Manouchian

Huit livres et une exposition pour mieux connaître Missak Manouchian

À l’occasion de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, le mémorial de la Shoah présente une exposition pour célébrer l’engagement des étrangers dans la Résistance.

Au cœur du mémorial de la Shoah, au pied de l’escalier qui mène à l’exposition, gît la « tache de sang », comme l’appelait Louis Aragon. L’Affiche rouge, haute de près d’un mètre, accueille le visiteur. Les visages des combattants de « l’armée du crime » y sont présentés comme autant de cibles « terroristes » abattues par les nazis. Une propagande qui dès ses origines « n’a pas fonctionné », rappelle la commissaire d’exposition Renée Poznanski.

Placardée partout sur les murs de Paris et dans plusieurs formats, elle avait pour but de désigner les ennemis : tous des étrangers coupables d’attentats contre les Français. Faux, leurs actions étaient ciblées et ne tuaient que des occupants allemands. Leur assignation à résidence communautaire est « un anachronisme déjà pour l’époque ». « Ces résistants étaient traversés par une convergence ou une polyvalence identitaires. » Juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, Italiens, Espagnols, communistes… Ces identités ne rentraient pas en concurrence, ne se hiérarchisaient pas. Ce qui prévalait, c’était leur volonté de libérer la France. Le dénominateur commun de leur combat : l’idéal des Lumières contre le fascisme et le nazisme.

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Pourquoi les Invalides ont été le théâtre d’une histoire incroyable de la résistance française

Pourquoi les Invalides ont été le théâtre d’une histoire incroyable de la résistance française

On a rendu hommage mercredi 7 février aux victimes françaises tuées le 7 octobre dernier lors de l’attaque du Hamas. La cérémonie s’est déroulée aux Invalides qui ont été le théâtre d’une histoire incroyable de la résistance française.

On est en décembre 1940. Les Invalides sont alors occupés par la Wehrmacht qui les ont transformés en caserne. On s’apprête à accueillir en grandes pompes les cendres de l’Aiglon, le fils de Napoléon, qu’Hitler a accepté de rendre à la France. Des drapeaux nazis ont été installés partout. Mais le jour de la cérémonie, ils ont disparu. Les Allemands sont furieux, il est trop tard pour les réinstaller.

C’est la famille Morin qui a fait ça. Georges, le papa, vit avec sa femme Denise et sa fille Yvette dans un petit appartement de fonction de l’hôtel des Invalides, puisqu’il travaille au service des Anciens Combattants. Ils ne payent pas de mine, les Morin, mais ils ont en fait intégré la résistance. Et sont très actifs.

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